macron chine
Crédit photo: AFP/Yoan VALAT

 

Faut-il avoir peur de la Chine ? C’est la grande question géopolitique, que vont se poser les chancelleries européennes pendant les trente prochaines années.

En 2049, les Chinois fêteront le centième anniversaire de la prise de pouvoir du parti communiste. Son chef, qui est aussi le président à vie du pays, a déclaré qu’à cette date la Chine serait devenue la première puissance du monde.

Une fois qu’elle se fut débarrassée des entraves à son développement constituées par les ingérences étrangères puis par l’idéologie collectiviste, la population chinoise, si nombreuse et si industrieuse, devait tout normalement filer vers le sommet mondial. La question est désormais de savoir ce que les Chinois feront de leur puissance.

Ils protestent qu’ils n’ont jamais été des conquérants et que la Chine ne s’est jamais comportée en puissance impérialiste outre-mer, à la différence des Occidentaux.
Durant la dynastie des Ming, à la tête d’une flotte de 70 vaisseaux et de 30000 hommes, l’amiral Zheng He (1371-1433) entreprit une demi-douzaine de grandes expéditions, qui l’amenèrent au Moyen-Orient, en Afrique de l’Est ou en Indonésie. Il fit de la diplomatie et du commerce mais n’essaya jamais de s’emparer de nouveaux territoires. Après sa mort, l’Empire du Milieu renonça à toute politique navale, pour se consacrer à sa défense terrestre (achèvement de la Grande Muraille). Au 19ème et au 20ème siècle, la Chine connut d’humiliantes défaites face aux thalassocraties britannique et japonaise.

Xi Jinping veut faire du 21ème siècle celui de la renaissance de la puissance navale chinoise. Il construit une flotte de guerre considérable, ayant vocation à égaler à terme celle de l’Amérique, du moins en Asie. Homme prudent, il ne songe pas pour le moment à s’emparer militairement de l’île de Formose, dont la population, soutenue par les Etats-Unis, est déterminée à se battre si elle est attaquée. Mais il a d’ores et déjà remporté une victoire stratégique en Mer de Chine méridionale, en s’emparant d’îlots jusqu’ici inhabités, les Paracells et les Spartleys. Contrairement aux promesses qu’il avait faites publiquement lors de son voyage aux Etats-Unis en septembre 2015, il a militarisé ces récifs, en y installant des missiles et en y construisant des aérodromes accueillant des bombardiers stratégiques.

Cet accaparement d’une zone maritime grande comme la Méditerranée ne laisse pas d’inquiéter les autres puissances navales asiatiques. La France, qui a vendu des chasseurs-bombardiers à l’Inde et des sous-marins à l’Australie, encourage l’émergence d’une coalition indo-pacifique des démocraties face à la Chine.

En matière de stratégie commerciale, Xi Jinping a lancé son projet pharaonique de Route de la Soie, appelée aussi BRI (Belt and Road Initiative). Il s’agit d’aménager et de sécuriser les routes terrestre et maritime d’exportation des produits manufacturés chinois vers l’Europe et d’importation des matières premières en provenance d’Afrique et du Moyen-Orient.

Faut-il la blâmer ? La Chine ne se contente pas d’être l’atelier du monde ; elle veut en devenir aussi le laboratoire. Au départ, les Chinois ont beaucoup retiré des universités américaines et européennes. Puis ils ont développé leurs propres universités et centres de recherche, qui rivalisent dans certains domaines (comme le spatial, les télécommunications, l’intelligence artificielle) avec les Occidentaux. Dans le secteur de la 5-G, le géant chinois Huawei a pris de l’avance sur ses concurrents occidentaux Ericsson et Nokia (lequel a absorbé Alcatel).

Dans une tribune au Figaro, Xi Jinping, en visite en France du 24 au 26 mars 2019, a souligné que les deux vieilles nations partageaient le goût de l’indépendance, du libre-échange, du dialogue culturel et de la responsabilité mondiale. Certes. Mais Emmanuel Macron a eu raison d’insister sur l’équilibre et la réciprocité dans les échanges commerciaux.

Le président français a aussi compris que les Chinois sont des gens qui respectent la force. D’où son initiative d’inviter la Chancelière d’Allemagne et le président de la Commission européenne pour négocier à ses côtés, avec Xi, les règles devant présider désormais aux relations sino-européennes.

Encouragée par les Occidentaux, la Chine a formidablement imité leurs modèles d’industrie et d’innovation. Peut-on moralement blâmer l’élève de vouloir désormais dépasser ses maîtres ? Non. Mais nous aurons la Chine que nous méritons. Plus le rapport de force que nous entretiendrons avec elle sera solide, meilleures seront nos relations avec elle. Ce n’est pas de la Chine qu’il faut avoir peur, mais de nos propres faiblesses, qu’elles soient politiques (délitement de l’UE), sociales (baisse du niveau de l’enseignement) ou stratégiques (désindustrialisation).

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