Pour Renaud Girard, il faut toujours rechercher et accepter le dialogue avec les autres acteurs politiques sans avoir de préjugés ou d’idées préconçues sur eux, même si nous sommes en opposition avec eux sur des sujets majeurs, même s’ils ne partagent pas nos valeurs démocratiques et ne respectent pas les Droits de l’Homme. Si l’on n’est pas prêt à entrer en guerre, alors il faut chercher le dialogue et la résolution diplomatique jusqu’au bout.

Ce fut ainsi une erreur que de fermer l’ambassade de France en Syrie en 2012, pariant que le régime s’effondrerait bientôt. Or, ce pari a été perdant. Nous avons fermé la porte du dialogue à un acteur pourtant incontournable, seul à bénéficier de structures étatiques, et négligé le solide ancrage du régime de Bachar El-Assad auprès d’une partie importante de la population syrienne. Nous nous sommes privés d’une source de dialogue et de renseignements qui nous serait aujourd’hui précieuse, à la fois pour tenter de résoudre le conflit et pour lutter contre le terrorisme tout en bénéficiant de plus d’informations sur les djihadistes français qui opèrent en Syrie.

De même, en Afghanistan, le fait que le docteur Najbullah ait été un agent du KGB et le responsable des services de renseignement afghans pro-soviétiques n’aurait pas du nous
empêcher de traiter avec lui. En 2000 nous aurions du accepter de traiter avec le Mollah Omar, chef des Talibans, et de lui fournir l’aide alimentaire et humanitaire qu’il sollicitait (tout en octroyant une aide militaire à son adversaire Massoud dans le même temps, ce que nous n’avons pas fait non plus) en échange de la livraison de Ben Laden, de la protection des statues bouddhistes et de la lutte contre la culture de pavot.

En Libye, nous refusons d’appuyer le gouvernement de Tripoli, sous prétexte qu’il n’est pas reconnu comme légitime par la communauté international et parce qu’il est tenu en main par des islamistes. Pourtant, nous avons besoin de l’aide d’un Gouvernement de Tripoli pour contrer les islamistes beaucoup plus radicaux de DAESH.

Au contraire, dialoguer sans préjugés a été le choix de Barack Obama à l’égard de l’Iran, ce qui a débouché sur l’Iran deal et permis à l’éviter l’obtention de l’arme atomique par l’Iran ainsi que de réintégrer dans le jeu diplomatique occidental cette importante puissance régionale, qui lutte avec les occidentaux contre DAESH.

Alors que les pétromonarchies sunnites du Golfe (Arabie Saoudite, Qatar, Emirats, Koweit) et l’Iran chiite sont opposés, il ne faut se couper d’aucun des deux camps. Au contraire, l’impératif est de dialoguer avec les deux camps et chercher à les rapprocher, quelles que soient la situation de la démocratie ou des Droits de l’Homme dans ces pays.

De même, si les accords d’Oslo ont pu être conclus, c’est parce que Rabin a accepté la dialogue avec Arafat, et ce en dépit des nombreuses actions violentes commises contre des civils israéliens sur l’ordre du leader de l’OLP.