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Le 28 janvier 2019, les téléspectateurs du monde entier ont compris qu’une guerre technologique avait bel et bien commencé entre les Etats-Unis d’Amérique et la Chine.

Ce jour-là, à Washington, les ministres de la justice, de l’intérieur et du commerce, tinrent, avec le directeur général du FBI, une conférence de presse spectaculaire. Le but était d’annoncer et d’expliquer l’inculpation du géant chinois des télécommunications, accusé de vol de technologie, d’espionnage industriel et de violation de l’embargo américain envers l’Iran. Inexistante il y a 35 ans, la société Huawei, fait aujourd’hui un chiffre d’affaires de 110 milliards de dollars, sur toute la gamme des équipements de télécommunications : des data centers aux routeurs aux antennes aux terminaux (les smart phones). La puissance de cette entreprise privée née à Shenzhen repose sur quatre piliers : coopérative possédée par ses salariés, elle échappe totalement aux aléas boursiers ; dépensant 15 milliards par an de recherche et développement, elle s’est hissée à la première place mondiale des technologies de la télécommunication ; appuyée sur l’immense population chinoise, elle dispose d’un réservoir quasi inépuisable d’acheteurs, mais aussi et surtout de jeunes ingénieurs rêvant de travailler chez elle ; modèle de croissance, elle est le chouchou industriel du gouvernement chinois, qui fera toujours tout pour la défendre.

L’inculpation à grands bruits de Huawei faisait suite à une mesure du Congrès, moins médiatique mais autrement plus préjudiciable à la firme chinoise : le bannissement de ses équipements dans la constitution du futur réseau 5-G (qui multiplie par cent la vitesse de transmission des données, permettant par exemple les voitures se conduisant toutes seules). Les quatre grands opérateurs américains (AT&T, Verizon, Sprint et T-Mobile) ont annoncé qu’ils renonceraient à utiliser des équipements Huawei.

L’Amérique fait aujourd’hui pression sur ses alliés pour qu’ils la suivent dans cette politique. L’ambassadeur américain à Berlin a déclaré que son pays ne pourrait plus continuer à partager des secrets militaires avec l’Allemagne, si elle ne renonçait pas à acheter du Huawei pour ses équipements de 5-G.

Les Américains estiment que s’équiper en Huawei exposent les pays occidentaux à deux risques cyber, l’un grave, l’autre très grave. Le premier est celui de l’espionnage industriel et politique : l’architecte qui a construit un réseau de télécommunications est ensuite le plus capable de le pénétrer. L’autre danger est celui du black-out : en cas de crise politique, la Chine pourrait paralyser les communications et les infrastructures vitales (centrales électriques, etc.).

Les quatre autres membres du club anglo-saxon d’échange d’informations secrètes des Five Eyes semblent prêts à suivre le grand frère américain : l’Australie a banni les équipements Huawei, tandis que le Canada a arrêté, à la demande de la justice américaine, la fille du fondateur de la firme chinoise. Le 28 mars 2019, les autorités britanniques ont rendu public un rapport du GCHQ (Government Communications Headquarters) disant qu’il ne pouvait pas donner de garantie absolue que Huawei ne ferait courir aucun risque de sécurité au gouvernement de Sa Majesté.

Les Américains vont vouloir utiliser l’Otan comme arme politique dans leur guerre technologique aux Chinois. Il sera difficile aux pays de l’Europe de l’est prochinois du groupe des 16+1 de résister à la pression de Washington. Se dessinera alors une partition technologique du monde entre une zone américaine et une zone chinoise. L’Afrique a déjà plongé dans la seconde. La Russie, à qui l’Amérique veut appliquer de nouvelles sanctions, la rejoindra probablement. En Asie, la Chine devrait l’emporter, sauf au Japon et en Inde. En Amérique latine, le Brésil sera le premier à se rallier à Washington.

Et la France dans ce grand jeu ? Elle a saisi les risques de sécurité, mais elle devrait se protéger indépendamment des exigences américaines. Elle a compris la naïveté d’avoir sacrifié son fleuron industriel stratégique Alcatel aux exigences de la (fausse) libéralisation du monde. La France a déjà beaucoup souffert de la prétention américaine à lui imposer ses lois. Elle aurait tort de faire dépendre sa sécurité cyber de Washington.

L’expansionnisme en mer de Chine a constitué une erreur stratégique de Pékin. Car le manufacturier du monde, jusque-là admiré par tous, a commencé à faire peur géopolitiquement. La guerre technologique va donc durer et sera un jeu perdant-perdant. On ne voit pas qui pourrait l’arrêter, en Amérique comme en Chine. Les Européens, quant à eux, sont hélas trop divisés pour pouvoir imposer à la planète les normes de bonne conduite dont elle a pourtant, plus que jamais, besoin.

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