En matière de Relations internationales, les deux mandats du président Obama furent marqués par la recherche du consensus. Ceci permit de grandes avancées diplomatiques, telles que la signature de l’accord de dénucléarisation de l’Iran (JCPOA, Joint Comprehensive Plan of Action, juillet 2015), ou de l’accord de Paris pour limiter le réchauffement climatique d’origine humaine (décembre 2015).
Après un an d’administration Trump, il est clair que la diplomatie américaine a pris une voie totalement différente. On est passé d’une approche multilatérale des grands enjeux internationaux à une approche unilatérale. On a laissé tomber la diplomatie du consensus, pour lui préférer la diplomatie de l’ultimatum. Le dernier en date est celui du 12 janvier 2018. Il est adressé aux trois puissances européennes signataires du JCPOA, la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne. Elles ont 120 jours pour « remédier aux terribles lacunes », dont cet accord souffre aux yeux de Donald Trump. L’actuel président américain reproche au JCPOA de ne prévoir qu’un gel par l’Iran de dix ans (et non indéfini) de ses activités d’enrichissement de l’uranium et d’instituer un contrôle international inopiné de ses installations nucléaires progressif (et non immédiat).
Cette surenchère à l’égard d’une puissance ayant rang d’ennemi dans la psyché américaine depuis 38 ans, n’aura aucun mal à passer auprès de l’électorat républicain, et même auprès de l’électorat démocrate favorable à un alignement systématique sur Israël de la politique moyen-orientale des Etats-Unis. Mais Trump a omis d’informer ses concitoyens de deux réalités incontournables. Premièrement, le JCPOA institue le système de vérification internationale le plus intrusif de toute l’Histoire depuis la signature en 1968 du TNP (Traité de non-prolifération nucléaire). Aux yeux des inspecteurs de l’AIEA (Agence internationale de l’Energie atomique de Vienne), le JCPOA constitue un modèle du genre, un exemple pour le futur. Deuxièmement, les Européens ont déjà dit qu’ils ne modifieraient pas d’une ligne cet accord, à la fois complexe et précis, qui a été négocié pendant plus de deux ans. Quand bien même le voudraient-ils, que cela ne changerait rien, car, en plus de l’Iran, la Chine et la Russie (qui sont aussi signataires du JCPOA), ne veulent pas entendre parler d’une renégociation de l’accord. Si l’Amérique voulait affaiblir le camp réformateur en Iran et pousser les Pasdarans à y exiger le retour de la course à la bombe atomique, elle ne s’y prendrait pas différemment !
Depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, les Etats-Unis d’Amérique avaient une politique étrangère marquée par la continuité : certains présidents pouvaient innover, mais ils ne détricotaient jamais ce qui avait été dessiné par leurs prédécesseurs. Après les déboires de l’isolationnisme des années 1920-1930 (qui avait entièrement détruit le travail diplomatique du président Wilson), la parole de l’Amérique avait péniblement regagné après-guerre un certain degré de fiabilité. Trump a rompu avec ce principe de continuité.
Est-ce à dire qu’il serait isolationniste, à l’image des présidents républicains Coolidge (1920-1928) et Hoover (1929-1933) ? Non. Car on l’a vu s’engager en profondeur – parfois avec succès – sur plusieurs grands dossiers étrangers : dans la guerre contre l’Etat islamique (accroissement du contingent des forces spéciales américaines dans le Rojava, cette bande territoriale du nord de la Syrie, contrôlée par les Kurdes du PKK) ; dans le bras de fer avec le dictateur nord-coréen Kim Jong-Un ; dans la crise ukrainienne (livraison d’armes « défensives » au gouvernement de Kiev) ; dans le partenariat stratégique avec l’Arabie saoudite du jeune prince héritier Mohammed bin Salman ; dans le soutien à la droite israélienne.
C’est l’unilatéralisme de Trump qui fait des ravages. Il réclame tous les droits pour l’Amérique, mais n’accepte aucun devoir. Il n’a pas intégré le concept d’ « obligation souveraine ». En Europe, il a engendré de la méfiance (par son rejet du traité de Paris, et par le flou entretenu sur la clause de défense prévue par l’article 5 de la charte de l’Otan). En Amérique latine, il a engendré de la défiance (par son refus d’une approche multilatérale des problèmes migratoires). Dans le monde arabo-musulman et en Afrique, il a engendré de la haine en stigmatisant certains peuples et en renonçant à la traditionnelle neutralité américaine sur le dossier israélo-palestinien. En Asie, il a renforcé sans le vouloir la tentation hégémonique chinoise (en se retirant du TPP, le partenariat transpacifique signé à Auckland en février 2016).
Depuis Roosevelt, on était habitué à voir l’Amérique donner le la des Relations internationales (pour le meilleur, plus souvent que pour le pire). Ce n’est plus le cas aujourd’hui.