Le 21 janvier 2018 restera comme un dimanche noir dans l’Histoire post-coloniale des Congolais. A Kinshasa, à Goma, à Lubumbashi, les citoyens de la RDC (République démocratique du Congo, plus grand pays francophone d’Afrique) avaient décidé de former des cortèges à la sortie de la messe. Pour protester contre le virage autocratique du Président Joseph Kabila, qui refuse de quitter le pouvoir, préférant violer la Constitution qu’il a lui-même promulguée il y a douze ans. Ces manifestations pacifiques avaient été interdites par le gouvernement. Elles furent réprimées férocement, faisant au moins six morts et plus de cent blessés, selon la Monusco (Mission des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo, comprenant dix-huit mille Casques Bleus), laquelle a protégé des violences policières les marcheurs en plusieurs endroits du pays. Depuis Lima, où il est en voyage, le pape François a confié, Urbi et Orbi, son inquiétude pour ce grand pays très catholique. Déjà, le 31 décembre 2017, la répression de marches similaires avait été très brutale.

La Constitution de la RDC stipule que nul ne peut effectuer plus de deux mandats consécutifs à la tête de l’Etat ; et elle interdit toute modification du texte fondamental qui toucherait à cette clause. Légalement, Kabila aurait dû, à l’issue de son second mandat, quitter le « Palais de la Nation » en décembre 2016. Mais il n’avait pas organisé l’élection présidentielle, malgré de nombreux appels à le faire, émanant de l’opposition, du peuple et de l’Union Africaine (UA). Les manifestations pro-démocratie devenant de plus en plus sanglantes, le gouvernement avait accepté de négocier avec son opposition, grâce à l’entremise de la Conférence des évêques de RDC. Le 31 décembre 2016, un accord était signé, prévoyant des élections à la fin de l’année 2017 ainsi que la « décrispation politique », soit la libération des prisonniers d’opinion, et la fin du harcèlement judiciaire du leader de l’opposition et candidat à l’élection présidentielle, Moïse Katumbi (ancien gouverneur de la riche province minière du Katanga).

Mais Kabila n’a jamais respecté ces accords de la Saint-Sylvestre, provoquant des sanctions en provenance des Etats-Unis et de l’Union européenne. Un nouveau délai lui a été accordé par le gouvernement américain, lors de la visite de Nikki Haley à Kinshasa le 26 octobre 2017 : les élections présidentielle et législatives en RDC devraient être organisées avant la fin de l’année 2018. Le problème est que Kabila ne montre aucun empressement à respecter sa nouvelle promesse. Le financement du scrutin est au point mort et la « décrispation politique », qui permettra la tenue d’une élection crédible, se fait toujours attendre, malgré les appels pressants de la communauté internationale. Kabila semble davantage occupé à monter des stratagèmes lui permettant de rester au pouvoir, comme la possible convocation d’un référendum « populaire ».

Ces atermoiements répétés au sommet de l’Etat ont décidé l’Eglise catholique – l’institution la mieux organisée du pays – à s’engager. Pourquoi les évêques congolais – qui ont été rejoints dans ce combat par les pasteurs protestants et les imams musulmans – ont-ils jugé utile de se mêler de politique ? Parce qu’il en va du maintien de la paix civile dans ce pays grand comme quatre fois la France. Mêlant paresse, prédation, désinvolture et incompétence dans les affaires publiques, Joseph Kabila a laissé, en dix-sept ans de pouvoir, se déliter la situation économique, sociale et sécuritaire de son pays. Les massacres à l’Est du pays sont fréquents et la RDC compte plus de 4 millions de déplacés internes ! Le niveau de vie et le taux d’alphabétisation du pays sont parmi les plus bas d’Afrique, alors qu’il regorge de richesses naturelles. Faute d’infrastructures, l’agriculture n’a jamais franchi le seuil de l’agro-industrie et les investisseurs fuient ce pays où la corruption est généralisée. La RDC a un criant besoin de gouvernance.

Si l’Europe ne veut voir venir en masse chez elle des immigrés de ce pays de 80 millions d’habitants (dont 60% ont moins de vingt ans), l’UE doit agir. Si l’Afrique ne veut pas que sa région des Grands Lacs s’embrase à nouveau, l’UA doit également agir. Il est temps de faire comprendre à Kabila qu’il a franchi la ligne rouge en faisant tuer sa population, et de le convaincre de quitter enfin son trône. L’ingérence est parfois nécessaire, quand il s’agit de prévenir une catastrophe humaine de très grande ampleur.

Le Français Emmanuel Macron a l’influence nécessaire pour entraîner sur cette voie l’UE ; et le Rwandais Paul Kagamé pour mobiliser l’UA, dont il prendra la présidence le 28 janvier 2018. Quel beau dossier que la stabilisation du Congo pour réconcilier enfin Paris et Kigali !

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