Nous fêterons cette année le centième anniversaire de la fin de la première guerre mondiale. Elle fut le suicide de l’Europe, après un siècle (1815-1914) relativement peu belliqueux, marqué par l’ancrage de l’Etat de droit, de la stabilité monétaire, des échanges commerciaux, des influences culturelles réciproques, du développement industriel, de la recherche scientifique, de l’instruction publique. La leçon de cet horrible conflit a été tirée par tous les dirigeants français et allemands depuis Charles de Gaulle et Konrad Adenauer : la paix est le trésor le plus précieux des sociétés humaines.
Ceux qui critiquent l’euro ont parfois des arguments économiques qui tiennent debout ; mais ils oublient le principal, à savoir que l’Union monétaire – renforcée, depuis la crise financière de 2008, par l’Union bancaire – a été faite dans un but politique : cimenter la paix sur le Continent européen. Il est regrettable que l’Union européenne (UE) ait eu besoin des Etats-Unis pour imposer, il y a vingt ans, la paix dans sa périphérie balkanique et qu’elle n’ait pas pu prévenir la guerre, en 2014, dans sa périphérie ukrainienne. Mais le fait qu’elle ait maintenu la concorde entre ses membres représente déjà une magnifique réussite.
Il serait irréaliste de souhaiter que l’UE parvienne seule à réconcilier Kiev et Moscou en 2018 : l’Amérique joue un rôle trop important dans cette crise pour ne pas être associée à sa résolution. Mais l’UE a le devoir de renverser la tendance qui voit la discorde progresser dans ses rangs. Au lieu de pointer du doigt un risque fasciste qui n’existe pas en Europe orientale, la Commission serait bien avisée de concentrer son travail sur des dangers réels. Puisse-t-elle assurer enfin sa fonction première de protection des frontières de l’Union face aux trafics d’êtres humains et aux migrations illégales en provenance d’Afrique ou d’Asie centrale, ainsi que face au dumping commercial et au pillage technologique en provenance de Chine.
Cette valeur politique suprême que représente la paix entre les nations, l’Amérique et la Chine semblent l’avoir bien saisie, du moins dans leur gestion du dossier coréen. Pékin a su faire de l’excellente diplomatie secrète. Le président américain a salué la reprise du dialogue entre le Nord et le Sud – qui se fait ce mardi 9 janvier 2018 à la « Maison de la paix du village de la trêve », à Panmunjom, où fut signé l’armistice de juillet 1953. Mieux, Trump a accepté la demande de Séoul, d’un report des manœuvres militaires annuelles américano-sud-coréennes. Washington semble avoir compris le danger de l’idéologie néo-conservatrice (qui préfère la propagation de la démocratie à la paix) et tiré les leçons du chaos créé par les guerres préventives occidentales en Irak (2003) et en Libye (2011). Une guerre préventive contre une dictature aussi militarisée que celle de Kim Jong-un aurait pu avoir des conséquences catastrophiques sur toute la péninsule.
Faisons le vœu que les Américains fassent preuve d’un pragmatisme équivalent au Moyen-Orient. Il serait irresponsable qu’ils se retirent de l’accord de dénucléarisation passé avec l’Iran le 14 juillet 2015. Ce n’est qu’à un rythme décidée par elle-même (et non imposé de l’extérieur), que la Perse abandonnera le régime archaïque dont l’a dotée l’ayatollah Khomeiny il y a près de quarante ans. Il serait en revanche très responsable qu’ils persuadent Israël de proposer enfin aux Palestiniens un Etat viable en Cisjordanie et à Gaza. La bombe démographique arabe est de loin la plus dangereuse pour l’avenir de l’Etat Juif.
Il faudra des décennies pour que les sociétés musulmanes du Moyen-Orient adoptent pleinement la démocratie, mais du moins peut-on les aider à revenir à la paix, grâce à des médiations inventives. Le prince héritier d’Arabie saoudite a raison de vouloir moderniser sa société, mais il a eu tort de se lancer dans une cruelle guerre aérienne au Yémen. Jamais des chasseurs-bombardiers n’imposeront du ciel une solution à un pays politiquement divisé.
La Russie verra les élections présidentielles de mars 2018 reconduire le tsar Poutine pour six ans. Faisons le vœu qu’il construise enfin un Etat de droit solide en Russie, qui a vocation à rejoindre sa famille européenne. Si y demeurent l’arbitraire et la corruption, jamais cet immense pays ne développera d’économie complémentaire à sa rente pétrolière.
Une sainte exigence de gouvernance est à souhaiter pour l’Afrique et l’Amérique latine. Tristes sont les contre-exemples de la République démocratique du Congo et du Venezuela, où s’accrochent au pouvoir des dirigeants ayant fait la preuve de leur impéritie.
Pour faire progresser la gouvernance dans le monde, mais aussi la gouvernance du monde (pollution des océans, réchauffement climatique, etc.), on n’a pas trouvé mieux que le multilatéralisme. Souhaitons-lui une année prospère, sinon joyeuse.