Malgré les commentaires très désobligeants qu’on trouve à son endroit, à gauche comme à droite, dans les journaux américains et européens, Barack Obama a été un grand président des Etats-Unis.
Sa réussite est flagrante en politique intérieure, où il a sorti la première économie mondiale de la crise financière héritée de l’administration précédente, où il a sauvé l’industrie automobile, où il a abaissé le taux de chômage à un niveau historiquement bas, où il a donné l’assurance maladie à 20 millions d’Américains, où il a nourri l’innovation technologique dans les universités et les entreprises, où il a lancé un vaste plan d’énergies renouvelables, où il a maintenu la puissance de sa monnaie.
Même en politique extérieure, où les critiques sont les plus vives, son bilan reste globalement positif. Que lui reproche-t-on ? Qu’il n’ait pas résolu le conflit israélo-palestinien ? C’est vrai. Mais, avant lui, Truman, Eisenhower, Kennedy, Johnson, Nixon, Ford, Carter, Reagan, Bush père, Clinton et Bush fils s’y sont, aussi, cassé les dents.
Qu’il soit, en 2010, sorti trop tôt militairement d’Irak ? C’est vrai. Mais n’oublions pas qu’il répondit alors à une demande formelle du gouvernement de Bagdad.
Qu’il ne soit pas intervenu militairement en Syrie à l’été 2013 ? Qu’il n’ait pas équipé en missiles sol-air portables les rebelles sunnites anti-Assad ? C’est vrai qu’Obama s’est montré prudent quant à changer le régime par la force à Damas. Mais cette prudence est celle d’un homme d’Etat qui a étudié l’Histoire, qui se méfie des visions manichéennes chères aux médias de masse, qui a réfléchi aux risques qu’il y a pour une puissance occidentale à intervenir dans une guerre civile en terre musulmane. Dans les années 1980, les Américains sont intervenus logistiquement dans la guerre civile d’Afghanistan. Ils ont livré des missiles Stinger aux moujahidine, faisant pencher la balance militaire en leur faveur. Après avoir fait partir les « méchants » soldats de l’armée Rouge, puis destitué le « tyran » Najibullah, les « gentils » moudjahidine s’installèrent à Kaboul en 1992. Aussitôt ils se mirent à se faire la guerre en eux, détruisant la capitale, répandant le banditisme dans les campagnes. En 1996, les Talibans s’emparèrent du pays, rétablissant l’ordre, mais installant un régime islamiste obscurantiste, et offrant à Ben Laden des bases pour entraîner ses djihadistes arabes. Quel succès !
En 2013, Obama, conscient des immenses difficultés inhérentes à toute expédition coloniale en terre d’islam, ne voulut pas lancer son armée en Syrie pour détruire le régime du dictateur Assad comme Bush fils avait, en Irak, détruit celui du dictateur Saddam Hussein en 2003. Il ne voulut pas non plus donner un avantage militaire décisif aux rebelles sunnites. Car il se demandait si la victoire à Damas de la rébellion n’aurait pas immédiatement provoqué le génocide des Alaouites, l’expulsion des chrétiens et des druzes vers le Liban, la destruction des églises, l’instauration de la charia, bref la mise en place d’une tyrannie non seulement politique mais aussi religieuse. La seule erreur d’Obama est d’avoir ignoré la proposition russe faite le 2 février 2012 aux trois membres permanents occidentaux du Conseil de sécurité, afin d’aménager ensemble une transition politique progressive à Damas. A tort, il a cru ce que disaient à l’époque Hillary Clinton, David Cameron ou Alain Juppé : qu’il était inutile de négocier avec Bachar, car son régime n’en avait plus que pour quelques semaines…
A l’égard de Moscou, Obama n’a pas réussi son « reset » car, en apôtre sincère de la démocratie, il n’est jamais parvenu à bien s’entendre avec le tsar Poutine. Il n’a pas compris que la seule solution réaliste pour l’Ukraine était sa finlandisation. Mais ce n’est pas lui qui a raté la dernière chance d’un compromis à Kiev. Ce sont la France, l’Allemagne et la Pologne, parrains de l’accord politique intra-ukrainien du 21 février 2014, qui l’ont laissé inexpicablement bafouer par les révolutionnaires de Maïdan.
A l’égard de Pékin, Obama a maintenu un dialogue constant, tout en forgeant un partenariat avec le Vietnam, et en ordonnant à l’US Navy de patrouiller dans les eaux que la marine chinoise prétend accaparer. 300000 jeunes chinois sont venus en 2016 étudier aux Etats-Unis, preuve de la permanence du soft power américain.
Le bienfait diplomatique d’Obama est d’avoir, contrairement à son prédécesseur, fait le jeu du multilatéralisme. Il est pour beaucoup dans le succès de la COP21 à Paris. Sans tirer un coup de fusil, il a obtenu le désarmement nucléaire de l’Iran. Encouragé par tous les Etats d’Amérique latine, il a su réconcilier les Etats-Unis et Cuba.
Si un djinn surgi du brouillard me donnait aujourd’hui la garantie que la réussite de son successeur sera seulement la moitié de celle d’Obama, je m’en trouverais infiniment rassuré…