Le maire de Londres, qui est aussi l’une des trois personnalités les plus importantes du Parti conservateur, a appelé, le dimanche 21 février 2016, le peuple britannique à voter non au referendum qui doit décider du maintien de l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne.

Cette décision de Boris Johnson est à la fois surprenante et lourde de sens. Elle provoque la surprise de la part d’un garçon qui a passé sa jeunesse à Bruxelles, où son père fut pendant vingt ans un haut-fonctionnaire respecté de la Commission européenne, avec un intermède de cinq ans comme eurodéputé britannique. Au surplus, homme ouvert et moderne, Boris ne s’était jusque-là jamais détaché de l’héritage européen du parti conservateur. Rappelons que ce fut le premier ministre conservateur Edward Heath qui fit entrer, en 1973, le Royaume Uni dans le Marché commun.

La décision du maire d’une ville que les Anglais aiment à qualifier aujourd’hui de « capitale du monde » est politiquement très lourde, car elle s’oppose au choix du Premier ministre conservateur en exercice. David Cameron a en effet appelé les sujets de Sa Majesté à voter oui au referendum qu’il a organisé pour le 23 juin 2016.

Boris Johnson a expliqué que rester dans l’Europe équivalait à accepter une « érosion de la démocratie » et que la Grande-Bretagne avait un « grand avenir » hors de l’UE. Si cela n’est pas certain, cela est possible. Mais ce débat, pour intéressant qu’il soit, commence à nous lasser, nous les Européens. En politique étrangère, quand on fait un choix stratégique, il faut savoir s’y tenir.

En 1957, le Royaume-Uni décide librement de ne pas s’associer aux six pays fondateurs du Marché commun. Lorsqu’en janvier 1963 il constate que le Traité de Rome fonctionne mieux que prévu, il change sa politique à 180° et demande son adhésion. Mais le général de Gaulle s’y oppose, qui pense à raison que les Britanniques privilégieront toujours leur « relation spéciale » aux Etats-Unis, par rapport à leur appartenance à une Europe qui se construit. A l’époque, c’est le conservateur Harold Macmillan qui est Premier ministre de sa Gracieuse Majesté. En mai 1967, le premier ministre travailliste Harold Wilson vient à nouveau frapper à la porte du Marché commun. En novembre 1967, nouveau veto du Président français, qui estime que le Royaume Uni – faible puissance agricole, forte puissance commerciale – n’a aucun intérêt à entrer dans un club dont la principale politique commune est alors agricole et dont les principales recettes proviennent alors des droits de douane des Etats membres.

Il faudra attendre le Président Pompidou, pour que la France accepte enfin l’adhésion de la Grande-Bretagne, qui est venue frapper une troisième fois à la porte de l’Europe.

En 1975, comme s’il n’était plus sûr de son choix, le Royaume-Uni, dirigé par un gouvernement travailliste, organise un référendum. A une majorité des deux tiers, les Britanniques confirment leur volonté d’être dans l’Europe. Mais, en 1984, le Royaume-Uni commence à contester les règles du club. Il trouve que sa cotisation est excessive eu égard à la modicité des aides agricoles qu’il en retire. Au Sommet de Fontainebleau, Margaret Thatcher, menaçant déjà de partir, obtient un « rabais » important de sa contribution – un dangereux précédent dans la construction européenne. A partir de cette date, les Britanniques feront de plus en plus bande à part : ils refusent la monnaie commune créée par le Traité de Maastricht (1992) ; ils demandent des dérogations particulières lors de la signature du traité de Nice (2001) ; ils choisissent en 2003 de suivre les Etats-Unis en Irak dans une invasion militaire que réprouvent les Français, les Allemands et les Belges. Charles de Gaulle l’avait prédit : les Anglais choisiront toujours le grand large plutôt que le continent. C’est d’ailleurs parfaitement leur droit.

Le problème, pour nous Français, est que les Anglais, une fois à bord du vaisseau européen, n’ont eu de cesse que d’y percer des voies d’eau. Ils ont sabordé le projet européen qui, dès le Traité de Rome, prévoyait des abandons de souveraineté (que les Anglais abhorrent), aux fins de créer un ensemble capable de traiter d’égal à égal avec les Etats-Unis d’Amérique. Ils ont favorisé un élargissement maximum – sans approfondissement préalable – et l’ont obtenu. A 28, les institutions sont presque paralysées. Ils ont appelé de leurs vœux l’entrée de la Turquie, qui serait le meilleur moyen de tuer une fois pour toutes l’Europe politique. Le rêve anglais est de voir l’UE transformée en simple zone de libre-échange. Maintenant que le vaisseau européen prend l’eau, une certaine élite anglaise veut le quitter, au lieu de colmater les brèches.

Ce petit jeu n’est pas digne de cette grande nation qui, en 1940, porta, sur ses seules épaules, la liberté du monde. Sur l’Europe, Messieurs les Anglais, un peu de constance, s’il vous plaît !

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