Le 27 mai 2017, à Taormine, Donald Trump achevait sa première grande tournée diplomatique. Quelles leçons tirer de ce voyage de huit jours, ayant amené le président des Etats-Unis au Moyen-Orient puis en Europe ?
Pour tenter de mieux comprendre le fonctionnement de la nouvelle administration américaine et de mieux discerner les grandes lignes de la politique étrangère de ce président pour le moins atypique, il n’est pas inutile, dans l’analyse, de bien séparer la forme du fond.
Sur la forme, trois grands principes semblent désormais structurer l’action de l’Exécutif américain. Premièrement, la personne du Président, son action, ses prises de parole, sont continûment encadrées par les « trois adultes ». Selon la presse américaine, ce sont les trois personnalités chargées par l’establishment républicain de veiller sur bébé Donald : le Secrétaire d’Etat Tillerson, le Secrétaire à la Défense Mattis, le Conseiller national pour la sécurité, le général McMaster. Durant le sommet de l’Otan à Bruxelles, Trump a consenti à évoquer la « menace russe ». Ce n’est assurément pas ce que lui dictait son instinct, qui ne sent qu’un vrai ennemi pour l’Amérique : l’Etat islamique. Mais c’est la phrase que voulait de lui l’establishment diplomatico-militaire, afin de rassurer les alliés voisins de la Russie (pays baltes, Pologne, etc.), et afin de ne pas apparaître comme un féal de Moscou, au moment où les sénateurs démocrates rêvent de le destituer pour ce motif.
Deuxième principe, le président ne fait pas de micro-management. Contrairement à son prédécesseur Barack Obama, qui pouvait examiner les plans d’une opération militaire secrète jusqu’à ses moindres détails, Donald Trump délègue très volontiers son pouvoir. Régnant sur le Pentagone, le général Mattis est libre de prendre les initiatives qu’il juge utiles pour la sécurité des Etats-Unis.
Troisième principe, Donald Trump a ajouté une dimension transactionnelle à toutes ses actions diplomatiques : si tu me donnes ceci, je te donnerai cela. Le message du nouveau Jupiter américain a été reçu cinq sur cinq par les alliés européens : rehaussez d’abord vos budgets de défense ; et seulement ensuite je redonnerai vie à l’article 5 de la Charte de l’Otan, qui prévoit assistance militaire immédiate en cas d’agression armée contre l’un de ses membres.
Sur le fond, les Américains ont abandonné la doctrine néoconservatrice chère à George W. Bush qui, par rapport à l’impératif de maintien de la paix dans le monde, privilégiait l’exportation de la « démocratie » à l’occidentale, au besoin est par la force. A Riad, Trump a réactivé le pacte de février 1945 entre les Etats-Unis et l’Arabie saoudite. La dynastie wahhabite n’a pas lésiné pour acheter le renouvellement de sa protection militaire : plus de 300 milliards de dollars de contrats en tous genres. En outre, elle a accepté de créer un centre de lutte contre les mouvements djihadistes et de criminaliser leur financement. Etait-il utile que Trump désignât l’Iran chiite comme une des grandes menaces actuelles pour la sécurité de la planète, alors que l’on sait que la totalité des attentats perpétrés au nom de l’islam à travers le vaste monde, le sont aujourd’hui par des sunnites ? En diplomatie, toutes les vérités ne sont pas forcément bonnes à dire. Mais asséner des contre-vérités provoquent toujours un dangereux retour de flamme.
A Jérusalem, le président américain a rassuré les Israéliens sur la solidité d’une alliance stratégique remontant à Truman. Mais il est allé beaucoup moins loin que lors de sa campagne électorale : pas de transfert de l’ambassade de Tel Aviv à Jérusalem – qui aurait posé des problèmes juridiques gigantesques eu égard aux résolutions de l’Onu votées par les Etats-Unis. Trump a demandé aux Israéliens de se calmer sur la colonisation en Cisjordanie, parce qu’il conserve le rêve de faire la paix en Palestine sur la base d’une solution à deux Etats (un juif, un arabe), et qu’il souhaite ménager ses deux autres grands alliés au Moyen-Orient : l’Arabie saoudite et l’Egypte.
Lors de la réunion du G-7 en Sicile, le président américain a envoyé deux messages à ses partenaires du monde capitaliste libéral. Sur le commerce international, il a renoncé au protectionnisme, préconisant seulement le passage du free trade au fair trade ; il s’est contenté de condamner les « mauvaises pratiques », un euphémisme adressé principalement au dumping chinois. Sur le dossier des migrants, Trump a dit aux Européens : c’est votre problème, réglez le vous-même, je ne vous aiderai en Libye que pour éliminer l’Etat islamique.
La France devrait-elle se plaindre du côté un peu brutal de la nouvelle diplomatie américaine ? Non. Il y a là au contraire une brèche dans laquelle la diplomatie française s’engouffre déjà, afin de retrouver son rayonnement d’antan.