Le dynamitage par l’Etat islamique (EI) le 23 août 2015 du magnifique temple hellénistique de Baal, venant juste après la mise à mort, par décapitation, du conservateur de ce site de Palmyre, patrimoine mondial de l’Unesco, n’a pas pu prendre les leaders occidentaux par surprise. Cela fait un an et demi que ces musulmans fanatiques multiplient les exactions les plus abominables, les filment, et les font connaître au monde entier via internet. Pour revenir à la vie du Prophète et de ses compagnons telle qu’ils la fantasment, ils prennent un malin plaisir, sur les territoires qu’ils ont conquis en Mésopotamie et en Syrie, à effacer tous les progrès sociaux réalisés par l’humanité depuis le 7ème siècle après Jésus Christ. Ils brûlent vivant les prisonniers de guerre ou les font poignarder par des enfants ; ils imposent l’esclavage sexuel aux femmes et aux fillettes non musulmanes ; ils jettent dans le vide les homosexuels ; ils détruisent toute trace de culture (livres, sculptures, peintures) qui ne leur paraît pas islamique. Dans l’histoire, il faut remonter au nazisme pour retrouver une telle barbarie. A la différence près que les SS ne filmaient pas ces milliers de femmes, d’enfants et de vieillards juifs dénudés qu’ils poussaient à Birkenau dans les chambres à gaz ; ils cachaient ces massacres à la population allemande.
Lorsqu’on se penche sur les idéologies nazie ou islamiste, on est frappé par ce que j’appellerai un « mal flagrant ». C’est un mal auquel nous, en tant qu’humains, ne pouvons pas trouver la moindre circonstance atténuante. Pathologiquement inepte est l’idéologie nazie de la race aryenne « supérieure », de la race slave « inférieure » et de la race juive « nuisible ». Pathologiquement inepte est l’idéologie islamiste qui veut qu’on décapite un chiite pour « apostasie » et qui encourage les viols de fillettes qui n’ont pas eu la chance de naître dans une famille musulmane sunnite.
Au début des années trente, l’Occident n’a pas manqué de bons commentateurs, qui avaient lu Mein Kampf (où les Juifs sont en toutes lettres traités de « vermine »), pour dénoncer le danger de l’idéologie nazie. Aujourd’hui, les hommes politiques et les médias occidentaux sont unanimes à s’indigner des crimes perpétrés par l’Etat islamique. Mais qu’on fait les puissances occidentales pour l’annihiler ? Quelques bombardements aériens et quelques « conseillers militaires » ici ou là ; mais finalement pas grand-chose. Pourtant on les a vues, au printemps 2011, détruire promptement le régime de Kadhafi, qui était certes imparfait et non démocratique, mais qui n’incarnait pas un « mal flagrant ». Il y a aujourd’hui en Occident, face à l’islamisme, un décalage patent entre indignation et action.
Tout se passe comme si l’Occident, telle la souris face au serpent, se trouvait hypnotisé face à un « mal flagrant ». Déjà, face à Hitler (arrivé au pouvoir en janvier 1933), il avait mis plus de six ans et demi pour se réveiller. En mars 1936, quand les Français veulent attaquer l’Allemagne nazie qui vient de remilitariser la Rhénanie au mépris de tous ses engagements internationaux, les Britanniques réfléchissent puis refusent de les suivre. Quant aux Américains, ils ne se posent même pas la question. Pourtant, avec les lois raciales de Nuremberg de 1935, Hitler a déjà entamé son passage à l’acte, qui va le conduire jusqu’au massacre final de la « vermine juive ». Si, nous Français, nous avions eu, au printemps1936, le courage d’aller seuls détruire le régime nazi, nous aurions rendu un immense service à l’humanité. Nous ne l’avons pas fait, par lâcheté ; nous sommes donc responsables des grands malheurs qui nous sont arrivés quatre ans plus tard.
Que nous faudra-t-il pour que nous réagissions enfin face aux assassins de l’Etat islamique ? Qu’ils prennent Damas ? Qu’ils y massacrent tous les alaouites, les chrétiens et les druzes ? Qu’ils y détruisent toutes les églises, à commencer par la chapelle consacrée à la conversion de Saint-Paul ? Qu’ils y brûlent tous les livres et manuscrits anciens ? Cela ne nous suffira peut-être pas? Voulons-nous attendre la chute de Beyrouth ? A Hitler, nous avions bien pardonné la prise de l’Autriche et de la Tchécoslovaquie !
Dans ce combat qui ne fait que commencer contre les nouveaux barbares, je suis frappé par la pusillanimité des grandes puissances occidentales. Quel contraste avec le courage que montrent certains individus face à ce nouveau « mal flagrant » ! Gardons en mémoire le nom de Khaled al Asad, ce savant de 82 ans, qui n’abandonna pas Palmyre à qui il avait consacré sa vie d’études, qui refusa d’indiquer à ses tortionnaires islamistes où se trouvaient cachés les plus remarquables trésors antiques, et qui eut la tête tranchée pour cela.
Cette pusillanimité occidentale est d’autant plus impardonnable que c’est l’invasion anglo-saxonne de l’Irak de mars 2003 qui créa le chaos propice à la naissance de cette nouvelle barbarie.