Pourquoi le 41ème sommet du G7, qui s’est achevé lundi 8 juin 2015, après deux jours de discussion, dans le cadre magnifique des Alpes bavaroises, n’a-t-il pas davantage passionné les foules, en Occident comme dans le reste du monde ? Ce ne sont pourtant pas les problèmes qui manquaient au menu de la réunion annuelle de ce club occidental transocéanique, qui rassemble depuis quarante ans les Etats-Unis, le Canada, le Japon, le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne et l’Italie, et où sont traditionnellement invités les présidents de la Commission et du Conseil de l’Union européenne (UE). Depuis un an, en effet, le cancer islamiste a continué de s’étendre ; le différend russo-ukrainien s’est transformé en conflit gelé ; la Méditerranée est devenue un mouroir pour immigrants africains désespérés ; la Grèce menace plus que jamais de quitter la zone euro ; la hausse du niveau des océans se poursuit dramatiquement, en raison du réchauffement climatique.
Ces sujets, aussi ardus que divers, ont-ils été pudiquement cachés sous les épais tapis du château d’Elmau, hôtel de luxe bucolique qui avait été choisi pour recevoir dignement les leaders des grandes démocraties occidentales ? Non. Cela n’aurait pas été toléré par l’hôtesse du moment, la très sérieuse Angela Merkel, qui s’est en dix ans imposée comme le principal (le seul ?) homme d’Etat en Europe. Tous les sujets ont été abordés. Dans le cadre des réflexions sur l’immigration clandestine et sur le danger islamiste, avaient même été invités exceptionnellement les présidents du Nigéria, du Sénégal, de la Tunisie et le premier ministre de l’Irak, leaders qui ont tous en commun de devoir leur position à une élection démocratique.

Alors, pourquoi les opinions publiques occidentales ont-elles quasi boycotté ce sommet du G7 ? Sont-elles devenues définitivement frivoles, à force d’avoir été gavées de pipolisation, de publicité commerciale, et de dérision télévisuelle de la politique ? Non. Les masses ne sont pas plus frivoles qu’avant. Au contraire. Grâce à la généralisation de l’enseignement supérieur et à internet, leur information intelligente – leur « awareness » dirait-on en anglais – n’a cessé de croître. Autrefois, la géopolitique était confinée à un petit public de diplomates et de professeurs. Aujourd’hui, elle passionne un public averti beaucoup plus large qu’on ne le croit. Les populations posent à ces sommets du G7 une question de confiance : elles ne les croient plus capables de résoudre concrètement les grands problèmes du moment. Les G7 sont vus comme des cénacles où l’on pose publiquement les problèmes, mais où on ne s’attelle pas immédiatement à la tâche plus ardue de les résoudre. Le cambouis, c’est pour les autres.

Exemple : en matière diplomatique, le G7 proclamait dès son ouverture : « fermeté face à la Russie ; unité face au danger islamiste ». C’est bien mais cela ne résout rien. Montrant qu’il était davantage un nationaliste polonais qu’un défenseur des intérêts de l’Europe tout entière, Donald Tusk, le nouveau président de l’UE, a expliqué au G7que la seule modification envisageable par rapport à l’absurde régime des sanctions contre la Russie était un renforcement. On ne voit pas très bien quel bénéfice peut tirer la population ukrainienne d’une Russie interdite de fromages français et de clémentines espagnoles. En quoi jeter la Russie davantage dans les bras de la Chine va-t-il régler pour le mieux la vie des habitants du Donbass ? La crise ukrainienne est bloquée parce qu’elle est l’otage de deux nationalismes. A Kiev, les parlementaires, emmenés par le jusqu’au-boutiste Iatseniouk, n’ont toujours pas voté l’amnistie, le statut fédéral, la tenue d’élections locales libres que réclament les rebelles prorusses de Donetsk et de Lougansk, et qui sont prévus par l’accord de Minsk de février 2015. A Moscou, les siloviki (les hommes des services de sécurité au sens large) rechignent à renoncer à l’idée de NovaRussia, que Poutine (qui est chez lui un centriste) a pourtant abandonnée. La seule utilité diplomatique que pourrait avoir M. Tusk, c’est de pousser Kiev à davantage de compromis, pendant que le couple franco-allemand essaierait de convaincre Poutine de rendre à l’Ukraine les 400 kms de frontières qu’il contrôle et de démobiliser les bataillons de « volontaires » qu’il y entretient. Ce G7 ( dont la Russie a été exclue en 2014) n’a pas fait avancer d’un iota la résolution de la crise ukrainienne : c’est dommage.
Quant à la lutte contre l’islamisme, les déclarations de bonnes intentions ne suffisent plus. En Syrie, nous hésitons toujours à renouer avec le régime de Damas pour lutter contre l’ennemi djihadiste commun. Sur la Libye, le G7 aurait dû convoquer les gouvernements de Tripoli et de Tobrouk pour les réconcilier dans la poursuite du même but.
Juillet 1914 nous a montré qu’il n’y avait jamais trop de diplomatie. Le G7 est donc utile. Mais n’allant pas suffisamment en profondeur, il est – injustement ? –fustigé comme de la politique-spectacle.

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