Les élections législatives de mi-mandat du mardi 4 novembre 2014 furent la dernière consultation nationale américaine avec Barack Obama à la Maison Blanche. Avec le basculement du Sénat dans le camp républicain, le président de la nation militairement et économiquement la plus puissante du monde se retrouve diplomatiquement à moitié paralysé. Car en Amérique, contrairement à chez nous, la chambre haute du Congrès joue un rôle important en politique étrangère. L’Histoire de France s’en souvient amèrement : en 1920, le refus du Sénat américain de ratifier le traité de Versailles avait soudain rendu caduques toutes les promesses du président Wilson.

Il n’apparaît donc pas aujourd’hui prématuré de dresser un bilan de la politique étrangère de Barack Obama. Le premier dossier diplomatique dont s’était emparé le président, le lendemain même de son intronisation, était le conflit israélo-palestinien, qu’il s’était engagé à régler en l’espace d’un an. On peut parler là d’un échec total. Jamais n’est parue si lointaine la solution des deux Etats coexistant paisiblement sur le territoire de la Palestine mandataire. La colonisation se poursuit en Cisjordanie, territoire militairement occupé par Israël depuis sa victoire de 1967. En raison du maintien d’un blocus maritime, la bande de Gaza est toujours une prison à ciel ouvert pour près de deux millions de Palestiniens, coincés entre l’ordre moral belliciste du Hamas et la suréaction de l’appareil militaire israélien. Cet été, la population palestinienne a subi une grave souffrance supplémentaire : plus de 2000 tués et 15% de ses logements détruits par Tsahal. Le jeu est toujours le même : le contribuable américain paie pour les bombes israéliennes, le contribuable européen pour la reconstruction. S’il avait mis, dès janvier 2009, tout son poids dans la balance sur ce dossier, Obama serait sans doute parvenu à ses fins. Son échec est dû à sa pusillanimité face à un Netanyahou, un AIPAC (American Israel Public Affairs Committee) et un Congrès plus déterminés que lui.

Le Moyen-Orient est une région qui semble insaisissable à Obama, président qui estime que la séparation du politique et du religieux va de soi et qui se trouve donc mal à l’aise en terre d’islam. Son retrait prématuré d’Irak en 2010 apparaît comme une faute presque aussi lourde que la décision d’invasion de son prédécesseur George W Bush en 2003. Dans son combat contre l’Etat islamique, le président actuel aurait dû celer ses intentions au lieu de prévenir ses ennemis qu’il n’enverra jamais de troupes à terre.
En Syrie, il n’a pas su choisir entre les deux seules options possibles : continuer à dialoguer avec Bachar al-Assad pour tenter de changer le régime de l’intérieur ; renverser le régime par les armes, avec le risque de créer un chaos semblable à celui de la Libye actuelle. En Egypte, il a lâché Moubarak, mais il se retrouve obligé de composer aujourd’hui avec le général al-Sissi qui, dans la dureté, est un Moubarak puissance 5. Lors de sa visite au Caire en juin 2009, Obama avait promis une réconciliation de l’Amérique avec le monde arabo-musulman. Cela n’a pas marché, en raison de l’indécision d’Obama qui est prise (à tort) par les populations pour de l’hypocrisie.
Avec la Russie, Obama s’était engagé à un « reset » (une relance) des relations. L’échec est patent car le démocrate Obama ne s’est jamais demandé comment fonctionnait mentalement un tsar comme Vladimir Poutine. Le président américain a laissé en janvier et février 2014 ses diplomates prendre, à Kiev, ouvertement partie pour les manifestants de Maïdan contre un président régulièrement élu. Condescendant à l’égard de l’Union européenne, le Département d’Etat américain a fait cavalier seul dans cette affaire ukrainienne, faisant capoter une possibilité de deal avec le Kremlin le 21 février 2014. Aujourd’hui la diplomatie russo-américaine est bloquée, car Poutine est enivré par un excès de popularité et Obama paralysé par un manque: il cherche inutilement à paraître pour un dur.

En revanche, Obama a su parler à la Chine, avec laquelle il a construit un dialogue empreint de respect mutuel, tout en conservant la fermeté nécessaire. Exemple : sur les îlots Senkaku/Diaoyu contestés, il protège son allié japonais, mais il refuse de se prononcer sur leur nationalité légitime. Tous les pays asiatiques cherchent désormais la protection américaine face à l’expansionnisme maritime chinois. Dans le Pacifique, l’Amérique est redevenue le pays de référence. C’est en soi un immense succès diplomatique, qui plus est dans la région motrice de la croissance mondiale.
C’est curieusement un pays à la charnière de l’Asie qui fera la réputation définitive d’Obama. S’il parvient à réintégrer l’Iran dans le concert des nations, il laissera dans l’Histoire la marque d’un grand diplomate. S’il n’y parvient pas, elle ne retiendra de lui que son indécision.

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