Barkhane
Crédit photo : DOMINIQUE FAGET / AFP

Cela fait bientôt six ans que la France fait la guerre au Sahel. C’est un laps de temps supérieur à la seconde guerre mondiale. C’est d’autant plus long qu’aucune perspective de solution ne pointe à l’horizon.

C’est toutefois moins long qu’un autre conflit asymétrique, que mena naguère l’armée française, dans un pays voisin du Sahel : la guerre d’Algérie (1954-1962), contre les rebelles musulmans du FLN (Front de libération nationale).

Il y a cependant cinq grandes différences entre la guerre d’Algérie d’il y a deux générations et l’actuelle guerre du Sahel : les enjeux, les motivations des ennemis de la France, leurs soutiens, les soutiens de la France, l’existence de réelles options de résolution du conflit à court terme.

En Algérie, les enjeux humain, politique et économique touchaient directement aux intérêts de la France : au nord il y avait trois départements français, où habitaient plus d’un million de citoyens français ; dans les territoires sahariens du sud, administrés par l’armée, il y avait le pétrole et les zones désertiques nécessaires aux expériences nucléaires de la « force de frappe ».

Au Sahel, les enjeux sont plus distants, mais, à long terme, non moins importants. L’Afrique est le continent voisin de l’Europe. Veut-on qu’elle soit un jour coupée en deux par une bande sahélienne contrôlée par des djihadistes fanatisés, rêvant de l’instauration d’un califat, adeptes du trafic de la drogue et des êtres humains ?

Après la Toussaint sanglante de 1954 (assassinat d’un couple d’instituteurs innocents), les motivations des ennemis de la France en Algérie étaient très claires : ils voulaient lui arracher l’indépendance de ce territoire conquis par la force en 1830. Leurs soutiens internationaux étaient importants, dans un contexte historique où le Royaume-Uni et la Hollande avaient déjà respectivement accordé l’indépendance à l’Inde et à l’Indonésie. L’Egypte de Nasser, la Tunisie de Bourguiba, le Maroc de Mohamed V fonctionnaient comme des sanctuaires pour les rebelles du FLN. La Yougoslavie de Tito leur fournissait des armes. Les Etats-Unis d’Amérique les soutenaient diplomatiquement. Dans la guerre d’Algérie, la France était très isolée internationalement.

Mais elle avait réussi à créer, cinq ans après le déclenchement du conflit, une véritable alternative. Comme elle avait, sur le terrain, gagné la guerre et réduit à très peu de choses les unités combattantes du FLN, elle pouvait rester en Algérie, à l’évidente condition de donner la nationalité française à ses dix millions de sujets musulmans. Le président Charles de Gaulle choisit l’autre branche de l’alternative, à savoir l’indépendance. Comme il l’avait confié à son jeune ministre Peyrefitte, il ne voulait pas d’un « Colombey-les-deux-mosquées ». Immense fut le coût humain de la décision gaullienne, dont l’exécution fut bâclée : Français massacrés à Oran, familles françaises spoliées sur tout le territoire algérien, harkis abandonnés à l’horrible vengeance d’un FLN qui ne respecta pas ses engagements des accords d’Evian (mars 1962). Mais, au moins, la France et ses jeunes hommes, qui faisaient alors 28 mois de service militaire, purent passer à autre chose.

En Algérie, l’armée de conscription a atteint le chiffre de 400000 hommes en 1959. Au Sahel, l’armée française, entièrement professionnalisée depuis les années Chirac, ne déploie que 4500 militaires. Elle dispose du soutien politique de tous les Etats du monde et du soutien logistique de ses alliés américain et européens. Mais est-ce suffisant pour écarter la menace djihadiste sur un territoire aussi vaste que celui de l’Union européenne ?

Après dix-huit ans de présence en Afghanistan, l’armée américaine est confrontée à un bilan peu flatteur, où les talibans contrôlent les campagnes le jour, et les villes la nuit. Le gouvernement de Kaboul n’est pas obéi dans son pays. La Maison Blanche cherche discrètement à redonner le pouvoir aux talibans. Il n’est jamais facile, pour les Occidentaux, d’intervenir en terres d’islam. Au Sahel, les soldats français n’ont pas vu d’amélioration de la situation générale, depuis qu’ils sont intervenus en 2013, pour empêcher Bamako de tomber aux mains des djihadistes. La Mauritanie, le Tchad et, dans une moindre mesure, le Niger, ont des armées qui savent se battre. Le Mali, en revanche, est un Etat d’une faiblesse extrême, rongé par la corruption et la haine intertribale ; il n’a jamais réussi à recréer une armée digne de ce nom. Quant au Burkina Faso, ses structures étatiques se sont effondrées depuis le renversement populaire de Blaise Compaoré en octobre 2014.

Le président Macron a eu raison d’exiger une vraie participation militaire de ses alliés européens. Mais cela ne suffira pas à résoudre le problème du Sahel, qui demeure celui de la faiblesse des Etats qui le composent.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s