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crédit photo:  site officiel d’Airbus

 

Installé à Toulouse, fruit d’un demi-siècle de coopération industrielle entre la France, l’Allemagne, l’Angleterre et l’Espagne, le groupe Airbus est le fleuron de l’aéronautique européenne. Au début du nouveau millénaire, il était parvenu à la parité avec Boeing dans la vente d’avions civils. Aujourd’hui, on peut se demander s’il n’est pas en train de décrocher par rapport à son grand concurrent américain, qui dégage une marge opérationnelle de 12 milliards de dollars par an, et dont la capitalisation boursière est trois fois la sienne.

Il est vrai que le groupe européen est aujourd’hui attaqué sur deux fronts. D’un côté, il subit les cyber-offensives gouvernementales chinoises visant à lui dérober sa technologie. De l’autre, il est victime de l’extraterritorialité du droit américain.

Dans l’industrie, l’aéronautique est le dernier secteur où les Chinois accusent un retard technologique sur les Occidentaux. Ce secteur est cité au premier rang du programme stratégique intitulé « Made in China 2025 », lancé par Xi Jinping en 2015. La Chine ne se contente plus d’être l’atelier du monde. Elle veut désormais en devenir le bureau d’études. Pékin veut casser le duopole américano-européen. Le danger pour Airbus est de voir, d’ici dix ans, émerger un duopole américano-chinois prêt à tuer définitivement la firme de Toulouse. La holding aéronautique chinoise AVIC (qui a une branche civile et une branche militaire) est une société d’Etat employant 400000 personnes. En mai 2019, le monocouloir 140 places C919 de sa filiale Comac a fait son premier vol à Shangaï. Un plein succès technique. Mais il reste à passer les étapes compliquées de la certification, pour transformer cela en succès commercial. Les toute récentes cyberattaques des services chinois contre les réseaux informatiques d’Airbus visaient notamment à acquérir le savoir-faire et les procédures du groupe européen dans le domaine-clé de la certification.

La contre-offensive d’Airbus ne pourra cependant se faire qu’à fleurets mouchetés, tant le marché chinois est important pour le groupe dirigé par Tom Enders. Non seulement un quart des avions fabriqués par Airbus sont vendus sur le marché chinois, mais près de la moitié des sociétés de leasing internationales (les plus grands acheteurs d’appareils au monde) sont à capitaux chinois.

Tenir sur le front américain est encore plus compliqué pour le soldat Airbus. Le très énergique patron de la firme de Chicago, Dennis Muilenburg, est devenu un ami personnel de Donald Trump. Sur les marchés asiatiques et d’Amérique latine, Monsieur America First n’hésite pas à intervenir auprès des chefs d’Etat en faveur de Boeing. Dans ce rôle essentiel pour lui, le président Trump est beaucoup plus crédible que ses prédécesseurs.

Par ailleurs, ce n’est pas la Maison Blanche qui aidera Airbus à se tirer des griffes du système judiciaire américain, qui reproche au constructeur européen d’avoir versé des pots-de-vin pour obtenir des contrats à l’international et d’avoir ensuite menti dans ses réponses aux questionnaires de l’administration britannique. Sachant la justice américaine aux aguets, Airbus a choisi de se dénoncer au Serious Fraud Office (SFO) britannique, en reconnaissant avoir omis de déclarer des recours à des intermédiaires. Depuis, le groupe européen est engagé dans un vaste, coûteux et masochiste exercice d’auto-investigation. Tous les courriels relatifs aux opérations commerciales sensibles ont été livrés aux cabinets d’avocats américains recrutés par Airbus, au SFO et au Parquet national financier. Espérons que ces informations n’arriveront jamais chez Boeing !

Le principal inconvénient de l’opération « lavons plus blanc que blanc » d’Airbus n’est pas l’amende qu’il finira par payer. C’est la déstabilisation du remarquable réseau commercial qui a fait son succès. Comme Rolls Royce a dû le faire à son grand détriment il y a trois ans, une purge des commerciaux d’Airbus est en cours. Pour prouver aux juges américains que les « mauvaises pratiques » n’ont aucune chance de reprendre, le groupe est en train de décapiter les meilleurs de ses commerciaux. On pense à ce jeune Taoïste du Lotus Bleu, qui veut décapiter Tintin et ses amis, afin que ces derniers puissent enfin accéder à la « Vérité ».

Mais comme l’Amérique représente à la fois le marché et le fournisseur dominants de l’aéronautique, Airbus n’a pas les moyens de se soustraire à sa justice.

Face à cette double menace, chinoise et américaine, le groupe européen n’a aucune chance de s’en sortir seul. Il est grand temps que les leaders politiques de la France, de l’Allemagne et du Royaume-Uni organisent un sommet uniquement consacré à l’élaboration d’une stratégie à long terme de sauvegarde de l’industrie aéronautique européenne.

Un commentaire sur « Airbus attaqué sur deux fronts »

  1. Bonjour, n’étant en rien spécialiste en ce domaine, je me demandais à la lecture de votre article si la vente de l’aéroport de Toulouse avait un lien avec cette situation critique d’Airbus ? C’est peut-être naïf de ma part, mais la question me taraude donc je la pose…

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