La Maison Blanche a indiqué, le 27 juillet 2018, que le Président Trump recevrait le Président Poutine à Washington au tout début de l’année 2019, et qu’il se rendrait lui-même plus tard à Moscou. Ce sera alors le troisième sommet russo-américain en l’espace d’une année, si l’on compte la rencontre d’Helsinki du 16 juillet 2018. Ces rencontres multipliées préfigurent-elles un rapprochement russo-américain ?

Depuis qu’il s’exprime sur la politique étrangère de son pays, c’est-à-dire depuis plus de trente ans, Donald Trump a toujours milité pour un tel rapprochement. Le président américain estime que l’Amérique a un compétiteur stratégique, qui est la Chine, et qu’il faut contenir. Aux yeux de Trump, la Russie, qui n’est plus l’URSS avec ses satellites du Pacte de Varsovie, a perdu ce statut de compétiteur stratégique. Il faut donc simplement éviter de la jeter dans les bras des Chinois, afin de ne pas donner à Pékin la maîtrise de la masse eurasiatique (à quoi vise en partie la politique chinoise des « nouvelles routes de la soie).

En politique étrangère, Trump a rejeté le néo-conservatisme (exporter la démocratie et les droits de l’homme à l’américaine urbi et orbi, si besoin est par la force) et a choisi le réalisme. Dans le grand jeu triangulaire entre les Etats-Unis, la Russie et la Chine, il pense que l’Amérique doit avant tout éviter l’alliance stratégique de Moscou et Pékin contre elle. Voilà pourquoi il veut établir une bonne relation avec la Russie envers et contre tout.

Y parviendra-t-il ? Rien n’est moins sûr, tant sont importants les obstacles au rapprochement russo-américain.

Le premier obstacle est l’asymétrie de comportement entre Trump et Poutine. Celui-ci défend toujours bec et ongles les intérêts de la Russie, alors que celui-là semble totalement inhibé à exprimer publiquement le moindre désaccord avec Poutine. Dans la conférence de presse conjointe donnée à l’issue de la rencontre d’Helsinki, Trump a dit qu’il ne pensait pas que la Russie s’était ingérée dans la campagne électorale américaine de 2016, donnant ainsi tort aux services de renseignement des Etats-Unis. Deux jours plus tard, il dut se rétracter, devant le tollé que provoquait sa déclaration dans les milieux politico-médiatiques de Washington, où la Guerre froide a laissé bien davantage de séquelles qu’en Europe occidentale.

Pour compenser le comportement jugé erratique de Trump en diplomatie, le Sénat américain ainsi que les hautes sphères de l’Exécutif en rajoutent dans leur fermeté à l’égard de la Russie, ce qui n’améliore pas la confiance qu’ont les Russes dans les Américains.

Au demeurant, les avis sur la Russie sont très divergents en Amérique, entre la Maison Blanche, le Pentagone, le Département d’Etat et le Congrès. L’OTAN et l’UE sont des institutions plutôt populaires au sein des élites politiques et administratives américaines, alors que Trump méprise la dernière et n’accepte la première qu’à la condition d’un accroissement exponentiel des contributions européennes. A Moscou, la situation est très différente : Poutine fait exactement la diplomatie qu’il veut. Le maître du Kremlin demande la mort de l’Otan, une organisation qui à ses yeux ne se justifie plus, après la dissolution du Pacte de Varsovie.

Le 25 juillet 2018, le Secrétaire d’Etat Mike Pompeo a fait sur la Crimée, annexée par la Russie en mars 2014, une déclaration solennelle. Elle ressemblait étrangement à celle qu’avait faite, le 23 juillet 1940, le Secrétaire d’Etat Summer Welles sur les Etats Baltes, annexés par l’Union soviétique en juin 1940, en vertu d’une clause secrète du pacte Molotov-Ribbentrop. Les Etats-Unis ne reconnaîtront jamais l’annexion et interdiront toujours à leurs diplomates de se rendre en Crimée. Ce genre de déclaration diplomatique est pratique, car on peut la brandir ou l’oublier à loisir, selon les circonstances et selon ses interlocuteurs. La déclaration Welles n’a pas empêché la construction d’une solide alliance militaire américano-soviétique de décembre 1941 à mai 1945. La déclaration Pompeo ne peut en soi constituer un obstacle infranchissable à un rapprochement russo-américain, mais elle est là pour rester. La diplomatie américaine ne pardonne pas à Poutine de n’avoir pas respecté les engagements de son prédécesseur Eltsine pour l’intégrité territoriale de l’Ukraine, pris lors d’un sommet à Budapest en décembre 1994, après que Kiev eut accepté la destruction de ses armes nucléaires.

La Crimée a beau paraître historiquement russe depuis Catherine II, et l’économie ukrainienne négligeable dans l’espace européen, le conflit russo-ukrainien (toujours prêt à ressurgir au Donbass) constitue une épine très empoisonnée. Suffisamment en tout cas pour empêcher Washington et Moscou d’appréhender ensemble des enjeux géopolitiques autrement plus importants…

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