Donald Trump a étonné le monde entier vendredi 9 mars 2018 lorsqu’il a soudainement dit qu’il rencontrerait volontiers Kim Jong-un en tête-à-tête. Jusqu’à ce jour, aucun président américain en exercice n’avait échangé face à face avec un leader suprême nord-coréen. Personne ne s’attendait à un tel geste du chef de l’Exécutif des Etats-Unis qui, en septembre 2017, menaçait encore la Corée du Nord d’anéantissement.
Comme dans l’art dramatique, la tactique militaire ou la séduction amoureuse, l’effet de surprise est l’un des outils importants de la grande diplomatie. Comme il surgit là et quand on ne l’attend pas, il est auréolé de magie. Il peut, par sa seule onde de choc psychologique, provoquer une catharsis.

Dans l’histoire des relations internationales contemporaines, l’effet de surprise s’est, à plusieurs reprises, révélé très productif. A la fin de l’été 1958, les Allemands ont été saisis de stupeur quand le général de Gaulle, revenu aux affaires au début du mois de juin, a pris l’initiative soudaine d’inviter le chancelier Adenauer à passer le week-end dans sa résidence privée. Jusque-là, en Allemagne, les chrétiens-démocrates, comme les sociaux-démocrates, étaient très méfiants à l’égard de Charles de Gaulle. Ils voyaient en lui un militaire nationaliste, antiallemand et antieuropéen. Le général voulut dissiper leurs inquiétudes. Il eut pour cela recours à un geste exceptionnel. « Pour l’explication historique que vont avoir entre eux, au nom de leurs deux peuples, ce vieux Français et ce très vieil Allemand, le cadre d’une maison familiale a plus de signification que n’en aurait eu le décor d’un palais », écrira de Gaulle dans ses Mémoires d’espoir. Les deux jours se passèrent à merveille. Les discussions furent de haute tenue. Le Chancelier fut sincèrement touché par la simplicité familiale de l’accueil à Colombey-les-Deux-Eglises. Une amitié profonde naquit entre les deux hommes, dont le résultat politique sera une réconciliation complète moins de quinze ans après l’Occupation et, en 1963, la signature du Traité de l’Elysée, lequel régit toujours les relations institutionnelles entre la France et l’Allemagne.

Lorsque Richard Nixon arriva à la Maison Blanche au début de l’année 1969, son premier voyage à l’étranger fut pour Paris. Dans un de leurs entretiens en tête-à-tête – bien sûr par divulgués à l’époque -, de Gaulle conseilla à son homologue et ami américain de reconnaître la Chine de Mao. Henry Kissinger préparera ensuite la chose par des voyages secrets. Le 15 juillet 1971, le président américain surprit le monde entier en annonçant, lors d’une courte allocution télévisée, qu’il accepte une invitation du premier ministre Chou-en-laï à se rendre en Chine populaire au printemps 1972. « J’entreprendrai ce voyage, expliqua Nixon, parce que je crois que c’est un voyage pour la paix ». Aujourd’hui, la Chine et les Etats-Unis sont les premiers partenaires commerciaux l’un de l’autre, et entretiennent plus d’une soixantaine de groupes de travail bilatéraux sur les sujets les plus divers.

L’exemple le plus pur de la surprise en diplomatie et de son effet cathartique fut l’annonce par le président Sadate, devant le parlement du Caire le 9 novembre 1977, qu’il était prêt à se rendre immédiatement en Israël (avec lequel l’Egypte était officiellement en guerre depuis 1948) et à s’exprimer devant la Knesset. Quinze mois plus tard, était signé le traité de paix-israélo-égyptien. Ce geste d’un courage politique inouï vaudra à Sadate d’être assassiné quatre ans plus tard par des islamistes, mais la paix entre les deux voisins tient toujours.

En février 1990, pour provoquer une catharsis, le président sud-africain réformateur Frederik de Klerk eut recours à l’effet de surprise : il annonça en même temps la légalisation de l’ANC (African National Congress) et la libération de son chef historique, Nelson Mandela. Les deux hommes construiront ensuite ensemble une société sud-africaine réconciliée, laquelle fonctionne toujours.

Quel effet sur la paix aura la main tendue surprise de Donald Trump ? C’est trop tôt pour le dire. La stratégie suivie depuis un an par Kim Jong-un semble aller d’un pôle à l’autre. Après être monté aux extrêmes avec ses explosions nucléaires souterraines et ses tests de missiles à longue portée s’abîmant en Mer du Japon, le jeune grand leader a, début janvier 2018, saisi l’occasion de leurs Jeux Olympiques pour offrir une branche d’olivier aux Coréens du sud. Visites amicales et rencontres de travail ont immédiatement suivi. En utilisant, de préférence à une intermédiation russe ou chinoise, l’administration du président sud-coréen Moon pour envoyer une invitation au président Trump, le nordiste Kim Jong-un a montré qu’il était avant tout un nationaliste coréen. C’est quelque chose qui a très bien pu séduire le nationaliste américain qu’est Donald Trump.

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