Aux Etats-Unis, chacun connaît la constitution et comprend ce qu’elle dit. C’est la force du système politique américain. Dans l’Union européenne – qui est davantage une confédération qu’une fédération -, personne ne connaît et ne comprend les différents traités qui forment le corpus constitutionnel de cet ensemble de 27 pays. Le dernier, celui de Lisbonne (décembre 2007), qui était censé remplacer la Constitution européenne (rejetée par les peuples français et hollandais en 2005), est d’une complexité telle que seuls quelques rares professeurs de droit public parviennent à le lire de bout en bout. Il contient 145 pages, se réfère à plusieurs centaines de dispositions des traités de Rome et de Maastricht, et renvoie à pas moins de trente-six protocoles et vingt-six déclarations.
Le fatras de nos textes constitutionnels européens s’explique : il est le résultat de laborieux compromis diplomatiques accumulés entre Francs, Germains, Latins, Slaves et Scandinaves.
Au Sommet de Bratislava du vendredi 16 septembre 2016, les 27 chefs d’Etat et de gouvernement se devaient de réagir à la gifle monumentale du Brexit. Ils ont adopté une feuille de route si empreinte de bon sens que personne ne la critiquera : « Nous nous sommes engagés à offrir à nos citoyens, dans les mois qui viennent, la vision d’une UE attrayante, dans laquelle ils puissent avoir confiance et qu’ils pourront soutenir ».
Pour que l’UE soit attrayante, il faut d’abord qu’elle cesse d’être illisible. Et que le président de la Commission cesse de s’exprimer sur des sujets qui ne relèvent que des Etats : la défense, les relations avec la Russie, les quotas de réfugiés prétendument obligatoires, etc. Le chef de l’Exécutif européen ne peut être qu’une seule personne : c’est le président du Conseil européen, car il parle au nom des Etats réunis comme constituants de l’Union. En revanche la Commission doit garder son monopole de l’initiative législative. Le principe d’un commissaire par Etat membre est absurde. La Commission ne devrait compter que douze membres, choisis pour leurs compétences et non pour leur nationalité. Outre le président, les onze commissaires auraient en charge onze portefeuilles réels : justice ; sécurité des frontières ; agriculture ; concurrence ; commerce ; finance ; environnement ; énergie ; politique régionale ; politique étrangère ; aide au développement. Choisi par le Conseil, le président de la Commission devrait soumettre son équipe de commissaires au Parlement européen, pour audiences puis adoubement par un vote à bulletins secrets.
Les parlementaires européens (codécideurs législatifs avec le Conseil) ne devraient pas être élus sur des listes nationales (favorisant les apparatchiks des partis) mais par scrutin d’arrondissement uninominal à un tour (un arrondissement comptant au minimum un demi-million d’électeurs). Chaque député aurait ainsi à cœur d’expliquer à ses électeurs à quoi leur sert précisément l’Union européenne. Il est urgent que les institutions européennes soient simplifiées puis expliquées aux citoyens européens. Les suffrages du Brexit sont venus des régions britanniques ayant le plus bénéficié des subventions européennes !
Pour favoriser la compréhension par les peuples de la politique européenne, les chefs d’Etat et de gouvernement devraient s’engager à prononcer un discours européen annuel, chacun face à son public national : expliquer en quoi les directives qu’il a approuvées au Conseil au cours de l’année passée seront utiles à ses compatriotes.
Sur le fond, il est indispensable que les citoyens comprennent les avantages qu’ils retirent des politiques communes. Les commissaires et les ministres nationaux chargés des mêmes portefeuilles devront se réunir tous les six mois, afin d’élaborer pour leurs populations respectives une explication approfondie des stratégies suivies.
Le président de la Commission aura à cœur de rappeler la possibilité de coopérations renforcées entre Etats membres volontaires, c’est-à-dire la flexibilité du système.
Quand les Européens auront compris –parce qu’on leur aura expliqué après réalisation ! – les bénéfices qu’ils tireront d’une agriculture subventionnée jardinant leurs campagnes, d’une recherche scientifique et technique mutualisant les besoins et les résultats, d’une résistance institutionnelle à l’hégémonisme juridique et financier américain, d’une politique énergétique commune diversifiée indépendante de la Russie, d’un protectionnisme ciblé face aux produits chinois, d’une lutte commune contre la criminalité transfrontalière, d’une sécurisation des frontières et d’un traitement des demandes d’asile des réfugiés se faisant en Afrique et en Asie plutôt qu’en Europe, leur euroscepticisme descendra en flèche.
Il est évident que, face à la Chine et à l’Amérique, les Européens ont intérêt à rester unis. Encore faut-il les en convaincre par des exemples clairs !