Lors de sa bénédiction de Noël Urbi et Orbi, le pape François a souhaité que la paix civile revienne en République démocratique du Congo (RDC, anciennement Zaïre, et plus anciennement encore Congo belge). « Pour que se guérissent les divisions et que toutes les personnes de bonne volonté mettent tout en œuvre pour entreprendre un chemin de développement et de partage en préférant la culture du dialogue à la logique de l’affrontement », a ajouté le Saint Père.
La mention spécifique de la RDC par le pape n’a pas surpris : les évêques congolais, réunis au sein de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), ont entrepris une médiation entre le pouvoir et l’opposition, afin qu’un accord politique soit trouvé et que le sang cesse de couler à Kinshasa et dans les autres villes du plus grand pays francophone d’Afrique. Les évêques congolais ont été reçus en audience à Rome le 19 décembre, pour rendre compte au Saint Père de l’avancée de leur médiation.
A l’origine de toute cette tension, l’on trouve la volonté de Joseph Kabila de s’accrocher au pouvoir. Le 20 décembre 2016 était le dernier jour de son deuxième mandat de président. Or Kabila n’a pas quitté le palais présidentiel. Il n’a même pas pris la peine d’organiser l’élection de son successeur en temps et en heure. Aux termes de la constitution congolaise, qu’il a lui-même promulguée, il n’a pas le droit de briguer un troisième mandat.
Le 20 décembre les Congolais sont sortis dans les rues de Kinshasa, Lubumbashi et Goma pour exiger de leur président qu’il se soumette à la loi fondamentale du pays : la police et l’armée ont tiré, faisant une trentaine de morts.
Dans son message de Noël, lu dans toutes les paroisses du pays le 25 décembre 2016, le cardinal Monsengwo, archevêque de Kinshasa, a rappelé que « le temps où l’on cherchait à conserver le pouvoir par les armes était révolu ».
Si Kabila annonce clairement qu’il quittera le pouvoir en décembre 2017, qu’il ne se représentera pas, qu’il ne changera pas la constitution, qu’il proposera un accord politique inclusif de toutes les bonnes volontés au gouvernement, qu’il libérera les prisonniers politiques, qu’il abandonnera son harcèlement judiciaire contre l’opposant Moïse Katumbi, et qu’il organisera des élections libres et transparentes, l’opposition est prête à accepter que le président reste en place pour une période de transition d’un an. Bien que muré publiquement dans son silence, Joseph Kabila serait prêt à envisager cette solution raisonnable, mise en avant par l’Eglise. Tout la question est de savoir si les durs du régime, à commencer par Kalev Mutond (le chef de l’ANR, Agence nationale du Renseignement, service secret congolais), qui ont du sang sur les mains, accepteront la perspective d’être chassés du pouvoir et n’essaieront pas de faire adopter une stratégie autoritaire jusqu’au-boutiste par le président Kabila.
Quatre raisons militent pour que la RDC vive sa première alternance démocratique rapidement :
1- Le pouvoir de Kabila est rejeté par la population. Peu travailleur, soumis à un entourage prédateur, vivant reclus dans ses fermes et ses palais, le président n’a pas réussi à développer économiquement son pays. Le produit national brut par tête est la moitié de celui du Rwanda voisin, qui ne jouit pas des mêmes richesses minières et hydrauliques que la RDC. Les mines de la Gécamines sont bradées à des oligarques israéliens ; le barrage d’Inga fonctionne à 20% de son potentiel, qui pourrait donner de l’électricité à toute l’Afrique noire. Faute de routes, les produits de l’agriculture pourrissent avant d’atteindre les marchés. La majorité de ce que l’on mange à Kinshasa est importé, ce qui est un comble dans un pays aussi luxuriant.
2- Kabila n’a pas réussi à sécuriser le pays, comme le montre le massacre de 22 paysans dans la région de Béni (nord-Kivu), perpétré le 25 décembre 2016 par une milice venue d’Ouganda.
3- Le régime a perdu tous ses soutiens internationaux, à l’exception de celui du président sud-africain Zuma, lui-même en difficulté dans son pays. L’Angola vient de retirer de RDC les 1500 soldats qui y étaient postés. Les Etats-Unis et l’Union européenne ont pris des sanctions ciblées contre les hauts responsables congolais ayant joué un rôle dans la répression sanglante des manifestants.
4- Une alternance sérieuse existe. C’est le « Rassemblement », coalition de l’opposition qui regroupe les deux ténors Tshisekedi et Katumbi. Le premier, 83 ans, incarne l’opposition historique ; il pourrait gérer une transition. Le second, 52 ans, incarne l’avenir, car il a démontré sa capacité à bien gérer la riche province du Katanga, au cours de ses deux mandats de gouverneur (2007-2015).
Dans son message de Noël, l’archevêque de Kinshasa semble s’être adressé directement à Kabila lorsqu’il a cité la célèbre parole de Jésus rapportée par l’évangéliste Matthieu : « Qui vivra par le glaive, périra par le glaive ! « …