Le décès de Fidel Castro, le 25 novembre 2016 à La Havane, marque la fin d’une époque.

La carrière politique du Leader Maximo s’était achevée en 2008 et depuis, c’est son frère, Raul Castro, qui dirige le pays. On peut diviser cette carrière en deux temps : le temps de la guérilla et le temps du pouvoir. De 1947 à 1959, Fidel, jeune bourgeois, est un opposant politique au régime corrompu du dictateur Batista. A cette époque, Castro n’a aucun rapport avec le communisme et s’attire la sympathie de l’opinion publique internationale. Le jeune sénateur Kennedy fait même son éloge, le comparant à Bolivar.

La réussite de la guérilla a mené Castro au pouvoir. Mais, à partir de là, toute sa carrière de dirigeant a été une descente aux enfers pour son pays.

La première marche de cette descente a été le choix du communisme soviétique, provoqué par la maladresse de l’administration Eisenhower. En effet, Washington a surréagi à la Révolution cubaine. Estimant que leurs intérêts économiques étaient compromis dans l’île par le nouveau gouvernement révolutionnaire, les Etats-Unis décident en 1960 d’imposer un embargo sur le sucre cubain, puis de rompre unilatéralement les relations diplomatiques en janvier 1961, puis de décréter un embargo total en février 1962, soit sept mois avant la crise des missiles. C’est le boycott américain qui va pousser Castro dans les bras de l’URSS. Un cercle vicieux se met ensuite en place. Pour Castro, chercher à se réconcilier, c’est s’humilier. Il sait que les Cubains n’aiment pas le régime communiste, mais qu’ils l’aiment lui, Fidel, qui a su redonner sa fierté à ce peuple très nationaliste. Pour la Maison Blanche, lever l’embargo, en dépit de son inefficacité et des drames humains qu’il provoque à Cuba, c’est perdre la voix des millions d’électeurs anticastristes d’origine cubaine qui vivent en Floride, l’un des Etats-clefs de l’élection présidentielle. Il faudra attendre le réalisme d’Obama, inquiet face à la montée des investissements chinois à Cuba, pour qu’en 2014 soit annoncée la reprise des relations diplomatiques et la levée progressive de l’embargo.

La seconde marche de cet escalier infernal a été la mise en place d’une dictature policière, qui a conduit à l’exil trois millions de Cubains. Emprisonnements politiques, exécutions, persécution des homosexuels, policiers et indicateurs omniprésents ont forgé un petit stalinisme sous le soleil, n’en déplaise à une partie de la gauche française, fascinée par le charisme du Lider Maximo.

La troisième marche a été un aventurisme catastrophique en politique étrangère. Castro fut l’exécuteur des basses œuvres de l’URSS dans le Tiers-Monde. En plus de conseillers envoyés au Mozambique et en Ethiopie, Cuba est militairement intervenu de 1975 à 1991 en Angola. Au profit des métis du MPLA, les soldats cubains ont combattu les forces, authentiquement indigènes, de l’UNITA de Jonas Savimbi.

La quatrième marche est une occasion ratée. En 1991, la chute de l’URSS et la fin de la Guerre Froide auraient dû inciter Fidel Castro à conduire son pays vers la social-démocratie. Il aurait pu accepter la main tendue de nombreux pays latino-américains et européens, qui refusaient l’embargo américain. Au lieu de cela, Fidel a préféré, à partir de 2004, se rapprocher du néo-bolivarien d’Hugo Chavez, qui a réussi à ruiner un pays aussi riche que le Venezuela.

Certes, le régime castriste a remporté quelques succès sur le plan social. Seulement 1,5 % de la population vit en dessous du seuil pauvreté. L’espérance de vie est de 79 ans, ce qui est très légèrement supérieur aux Etats-Unis et 17 ans de plus qu’à Haïti. Le système éducatif est performant. La méthode d’alphabétisation cubaine Yo si puedo a permis à des millions d’enfants latino-américains d’apprendre à lire. Le système de santé est excellent et accessible à tous.

Le grand enjeu pour Cuba est la transition. Le pays va devoir mettre en place un Etat de droit (condition sine qua non de tout développement économique), garantissant une démocratie pluraliste et une économie de marché, capable de susciter l’initiative privée, afin de sortir le pays de la sous-production. Mais cette libéralisation politique et économique devra se faire sans remettre en cause les quelques acquis positifs de la période communiste. Rien n’est pire qu’une libéralisation se muant en dérégulation aveugle, livrant les plus pauvres à la loi de la jungle.

Afin de recevoir un dernier hommage de la population, les cendres de Fidel vont traverser Cuba, de La Havane à Santiago. Comme, en 1980, la dépouille de Tito avait traversé la Yougoslavie. L’erreur de Tito fut de n’avoir rien préparé pour sa succession. Les frères Castro ont-ils prévu leur succession et une transition en douceur vers la démocratie ? En politique, on est grand, on est un vrai « lider maximo », que si l’on se montre capable d’œuvrer pour après soi.

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