Le sommet G-20 réunissant les chefs d’Etat ou de gouvernement des plus grandes puissances économiques de la planète, qui s’est tenu à Hambourg les 7 et 8 juillet 2017, a doublement frappé les esprits.

Visuellement – les images télévisées ont un poids important dans la géopolitique contemporaine -, les téléspectateurs du monde entier ont été surpris par la violence des jeunes manifestants anti-système, incendiant les voitures, brisant les vitrines, caillassant les policiers de cette brave ville de Hambourg, fief ancien de la social-démocratie allemande. Visiblement, les anarchistes allemands ne se satisfont pas de l’entière liberté d’expression qui leur est garantie sur le territoire de l’Union européenne. Il leur faut de la violence, comme s’ils se cherchaient là un supplément d’âme.

Sur le fond, nous avons assisté à un moment bismarckien, dominé par la Realpolitik, où les puissances pouvaient former des alliances de circonstance, en fonction de leurs intérêts du jour. On se souvient qu’entre les deux Congrès de Berlin, celui de 1878 et celui de 1885, le chancelier Otto Von Bismarck avait successivement réussi à nouer trois alliances différentes…

Lorsqu’il fut réuni pour la première fois à Washington en novembre 2008 à l’initiative du Président Sarkozy, le G-20 était clairement dominé par le bloc occidental, même si son leader américain était responsable d’avoir provoqué par sa négligence une crise financière planétaire. Ce bloc occidental a aujourd’hui disparu. Quand la chancelière allemande appelle l’Union européenne à « se prendre en mains », elle propose à ses partenaires de s’affranchir ensemble de la tutelle américaine. Donald Trump inspire en effet à Angela Merkel une répulsion aussi vive que celle que lui inspire Vladimir Poutine. En se retirant du traité de Paris de décembre 2015 sur le changement climatique, le président américain s’est désolidarisé de tous ses partenaires occidentaux. L’Occident, comme espace de valeurs partagées, existe toujours. Mais il n’existe plus comme machine d’imposition de l’ordre mondial. Il ne fixe plus le tempo ; il ne donne plus de leçons ; il n’est plus la référence civilisationnelle unique. Des puissances comme la Chine, la Russie, l’Inde, la Turquie ou l’Indonésie le regardent avec une distance croissante.

Dans le nouveau système bismarckien, l’Allemagne et la Chine ont pris ensemble le commandement informel d’une croisade contre le protectionnisme, car ce sont les deux plus grands exportateurs mondiaux. Les Etats-Unis ne se sont ralliés que du bout des lèvres à une résolution finale où le libre-échangisme ne laisse à leur goût pas assez de place aux mesures de protection prises par les Etats.

Comme Washington s’est unilatéralement retiré du partenariat transpacifique signé à Auckland en février 2016, le Japon, redoutant l’hégémonie commerciale de la Chine et de son programme OBOR (One belt, one road , cf notre chronique du mardi 16 mai 2017), a comblé le vide américain, en signant à Bruxelles, le 6 juillet 2017, un accord de libre-échange avec l’Union européenne.

Sur le dossier de la guerre en Syrie, on a constaté une alliance de facto entre les trois grandes puissances bien décidées à anéantir sur place l’Etat islamique : la Russie, l’Amérique et la France. Membre du G-20 bien qu’elle soit un pays foncièrement très fragile, l’Arabie saoudite n’a pas pu s’insinuer dans le groupe. En analysant en laboratoire les armes prises aux combattants de Daech, on vient de découvrir que beaucoup d’entre elles provenaient d’usines d’armement situées sur le territoire de l’ex-Yougoslavie, et qu’elles avaient été commandées et payées par les Saoudiens en 2013.

La Turquie, autre membre musulman sunnite du G-20, aimerait bien reconquérir, sur son nouvel ennemi Daech, la ville de Rakka (nord-est de la Syrie, sur les bords de l’Euphrate). Mais les alliés informels que sont sur ce sujet l’Amérique et la Russie l’en empêcheront, préférant laisser cette tâche aux Kurdes progressistes et aux Arabes modérés de la région.

Comme s’il était prisonnier d’un carcan politiquement correct, Emmanuel Macron a dit qu’il fallait combattre comme un même fléau le réchauffement climatique et le terrorisme. Pourquoi ne pas nommer l’islamisme ? Quel lien avec le réchauffement climatique peut bien avoir l’attentat terroriste de Stockholm du 7 avril 2017 ? L’homme blanc serait-il encore coupable de ce qu’il subit ? Le président français a une intelligence elliptique qu’on a parfois du mal à suivre. Mais c’est à raison qu’il signale la corrélation entre la désertification de la bande sahélienne et la multiplication des vocations djihadistes. Macron a compris l’immense défi que pose à l’Europe une Afrique soumise au double phénomène de la désertification et de l’explosion démographique. Mais pour le relever, ni l’Amérique, ni la Russie, ni la Chine ne l’aideront. Nécessité donc pour lui de s’allier sur ce point avec l’Allemagne…

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