A un désastre international doit répondre une enquête internationale. C’est une assertion de bon sens. Pourtant, le Parti communiste chinois (PCC) ne semble pas vouloir l’accepter. A une demande d’enquête internationale sous parrainage de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), formulée par le gouvernement australien, l’ambassadeur de Chine à Canberra a répondu non. Qui plus est, il a esquissé la menace d’un boycott par les Chinois de l’Australie (notamment de ses universités et de ses lieux touristiques), si le gouvernement australien poursuivait son idée.
On ne connaît en effet pas grand-chose des circonstances de la naissance à Wuhan, en novembre 2019, d’une nouvelle maladie, le Covid-19, bientôt transformée en pandémie. Comment s’est opérée la transmission à l’homme, après légère mutation, de certains coronavirus d’origine animale ? Selon une étude publiée, à la fin du mois de mars 2020, par la très sérieuse revue scientifique Nature, le virus qui infecte actuellement la planète entière, le SARS-CoV-2, proviendrait de la fusion entre un coronavirus de la chauve-souris et un coronavirus du pangolin. Le virus provenant de la chauve-souris est très proche de celui qui circule chez l’homme (génome identique à 96%), à l’exception notable d’un segment de six acides aminés. Ce petit fragment génétique manquant, qui permet la pénétration du virus dans la cellule humaine (où il se multiplie), aurait été apporté par le virus du pangolin. Capturés lors d’une opération de police contre des réseaux de contrebande en Chine, des pangolins étaient porteurs de virus, dont le génome a été séquencé. L’un d’eux présentait de fortes similarités avec le SARS-Cov-2, au niveau de ce segment permettant la pénétration dans la cellule. Mais on ne sait pas comment, où et quand une chauve-souris aurait infecté un pangolin et comment ce dernier aurait infecté un humain.
Est-il légitime, pour les grandes nations du monde, de vouloir faire la lumière sur ce qui s’est vraiment passé en Chine ? Oui évidemment, ne serait-ce que pour empêcher qu’une telle pandémie de zoonose ne se reproduise à partir de ce grand pays.
Par ailleurs, il y a une coïncidence qui intrigue actuellement les milieux politiques de Washington. Alors qu’il y avait, à travers le territoire chinois, à la fin de 2019, des centaines de marchés « humides » où s’entassaient des cages de toutes sortes d’animaux vivants, n’est-il pas extraordinaire que la maladie soit apparue précisément à Wuhan ? C’est en effet la seule ville de Chine comprenant un laboratoire de virologie et un laboratoire d’infectiologie étudiant les coronavirus des chauves-souris et leur propension à infecter les humains, déjà décelée lors de l’épidémie de SRAS, ayant commencé à Foshan (province du Guangdong) en novembre 2002.
Il n’est pas illégitime de formuler l’hypothèse d’un accident de laboratoire, quitte à l’invalider ensuite. Ce type d’accident arrive, y compris dans les laboratoires de recherche américains ou européens. Même le quotidien chinois progouvernemental Global Times, dans une enquête publiée le 18 février 2020, s’est interrogé sur d’éventuels dérapages d’expériences menées à l’Institut de virologie de Wuhan.
Il n’est pas ici question d’entrer dans les schémas complotistes circulant sur la Toile, qui imaginent la mise au point d’une arme secrète biologique ayant mal tourné. Il n’est pas non plus question de mettre en cause les sacrifices consentis par la population chinoise pour arrêter chez elle la propagation de la maladie. Personne de sérieux n’accuse la Chine de malignité dans cette affaire. Alors pourquoi refuse-t-elle d’être transparente ? Pourquoi rejette-t-elle avec tant de véhémence une enquête internationale ? Aurait-elle quelque chose à cacher ?
Après l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima en 2011, le gouvernement japonais n’avait pas hésité une seconde à faire appel à des experts de l’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique de Vienne), pour l’aider à combattre la contamination. Pourquoi la Chine ne ferait pas de même ? Ne se grandirait-elle pas à se saisir de l’occasion pour proposer la constitution, au sein de l’OMS, d’une agence internationale de contrôle des laboratoires à risques épidémiques ? Ne réussirait-elle pas ainsi à baisser la tension sino-américaine, qui ne fera dans le monde que des perdants ?
Sur le plan technologique, la Chine a beaucoup profité de l’ouverture des Occidentaux, lesquels ont salué sa réussite à sortir, par l’industrie, des centaines de millions de paysans de la pauvreté. Dans la dernière décennie, sa Route de la Soie a réclamé toujours plus d’ouverture des Occidentaux. Elle ne saurait aujourd’hui brandir devant eux le concept de fermeture, après leur avoir exporté une catastrophe sanitaire sans précédent depuis un siècle.