Le 22 février 2020, la France a appliqué une décision industrielle à l’exact opposé de ses intérêts à moyen et long terme. Elle a fermé le premier réacteur de la centrale nucléaire de Fessenheim et fermera le second en juin prochain, mettant fin à 42 ans de production électrique bas-carbone en Alsace.

La fermeture de cette centrale, considérée comme particulièrement sûre par l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN), ne répond à aucune urgence technique, ni à aucune contrainte d’aménagement du territoire. Elle est purement idéologique. Elle résulte d’une promesse faite aux écologistes par François Hollande lors de sa campagne électorale présidentielle de 2012. La promesse fut reprise par Emmanuel Macron dans sa campagne de 2017.

Comme les consommateurs de l’électricité produite à Fessenheim – qu’ils soient alsaciens, lorrains, belges ou allemands, dans ce marché européen interconnecté – ne vont pas du jour au lendemain décider de s’éclairer à la bougie, il faudra bien remplacer cette production par celle de centrales à charbon ou à gaz, situées quelque part en Europe. Les centrales nucléaires émettent en moyenne 80 fois moins de CO2 par kilowattheure produit que les centrales à charbon et 45 fois moins que les centrales à gaz. La fermeture des réacteurs de Fessenheim va se solder par l’émission annuelle supplémentaire de 8 millions de tonnes de CO2 en Europe, soit l’équivalent de 15% des émissions annuelles d’une région comme l’Ile-de-France.

La fermeture de Fessenheim représente une double balle dans le pied que se tire la France. Premièrement elle diminue la capacité du programme nucléaire français, qui est l’une des grandes réussites industrielles de notre pays, initiées par la république gaullienne. Ce n’est pas par hasard que la Grande-Bretagne a décidé de renforcer son équipement en centrales nucléaires et qu’elle en a commandé à l’industrie française. Deuxièmement, cette fermeture contrevient directement à la lutte contre le réchauffement climatique d’origine humaine, dont la France est le leader depuis qu’elle a fait adopter l’accord de Paris par les délégations de 195 pays, le 12 décembre 2015, à la suite des négociations de la COP21. Car la production d’énergie nucléaire a le mérite d’émettre extrêmement peu de gaz à effet de serre.

Il est grave qu’en France le fanatisme idéologique l’ait emporté sur le pragmatisme industriel. Il convient ici de bien faire la différence entre l’écologie et l’écologisme. La première est une science, qui étudie les êtres vivants dans leur milieu, en tenant compte de leurs interactions. Comme toutes les sciences, elle doit être enseignée et respectée, afin que les hommes parviennent à mieux conserver leur environnement naturel. L’écologisme est une idéologie, née dans les années 1970, opposée à la croissance, et qui cherche à s’arroger le monopole de la question écologique. Dans ses méthodes, l’écologisme est comparable au communisme, qui jadis cherchait à s’approprier le monopole de la question sociale. Comme les mouvements communistes d’autrefois, l’écologisme peut devenir fanatique, voire sectaire. Il faut lire l’ouvrage de Bruno Durieux, Contre l’écologisme, Pour une croissance au service de l’environnement (éditions de Fallois), qui résume parfaitement la question.

Seuls les fous et les inconscients ne se préoccupent pas de la dégradation de notre environnement. Il est évident que les autorités publiques doivent lutter contre la dégradation de la qualité de l’air que nous respirons dans nos villes et de l’eau que nous puisons dans nos nappes phréatiques. Elles doivent se coordonner pour assurer la propreté de nos océans, interdire la surpêche, maintenir la diversité des espèces, etc. Cependant, sur une planète qui compte 7 milliards d’hommes, on ne relèvera pas le défi écologique contre la science, mais avec elle, et grâce au progrès technique. Quand les OGM créent des plantes capables de résister aux parasites sans l’appoint d’intrants phytosanitaires, et que ces cultures ramènent davantage de biodiversité, il faut être pour les OGM. En matière de production d’énergie électrique, il faut maintenir le parc nucléaire, tout en investissant massivement dans la recherche (comme dans le projet ITER à Caradache), de manière à réduire progressivement la masse des déchets radioactifs produits.

Mais pourquoi le site de Fessenheim a-t-il été visé ? Pour plaire aux Allemands voisins. Après la catastrophe de Fukushima au Japon (2011), la chancelière Merkel décida démagogiquement que l’Allemagne (pays pourtant non soumis aux tremblements de terre et aux tsunamis) devait renoncer au nucléaire. Aujourd’hui ses centrales au charbon polluent notre air de leurs particules fines.

Notre indépendance énergétique est une affaire trop importante pour être soumise aux aléas de l’idéologie ou de la diplomatie.

3 commentaires sur « Fessenheim, victime du fanatisme écologiste »

  1. Je réponds à mon ami Renaud Girard sur son papier critiquant la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim.

    Le problème est malheureusement plus compliqué, car la France produit trop d’électricité nucléaire, 80%, pour couvrir sa propre demande « en base », la partie de la demande constamment constante, soit environ 60% de la demande cumulée totale. Il couvre aussi la demande en « semi-base », environ 20% de la demande correspondant aux variations saisonnières, ce qui l’oblige à exporter une partie de l’année, à un prix non rémunérateur et ne tarifant pas le risque et le cout d’accidents pris par nous sur notre sol, un produit fatal qu’elle ne peut pas écouler facilement à tout moment. Car c’est le point fondamental technique – une centrale nucléaire est inflexible tout au long de l’année, et ne peut pas adapter sa production à la demande même saisonnière: elle doit alors réduire sa production pour tourner constamment en base. En conséquence, le parc nucléaire tourne à moins de 75% de ses capacités opérationnelles, soit un niveau proche de son point mort financier, et dégage une rentabilité insuffisante, une situation unique au monde : aux USA, en GB et au Japon par exemple, le parc nucléaire qui tourne en base, fonctionne à près de 95% de ses capacités. J’avais publié en 2004 le papier ci-joint dans les Echos, après que le Figaro, dans lequel j’avais pourtant déjà écris une demi-douzaine de papiers, l’ait enterré pendant un an, tout en le transmettant aux RG !… par fanatisme ? Je précise que les journalistes des Echos sont tout sauf des imbéciles, et avaient émis une position déjà très critique sur l’EPR : ce qui m’avait valu d’être accueilli à bras ouverts par Erik Izraelewicz, alors rédacteur en chef, et tout sauf un abruti. C’était aussi la position officieuse d’EDF… J’ai été sanctionné par le gouvernement d’alors, M. Raffarin & Co pour ce papier.
    J’ai aussi dénoncé en son temps l’EPR Finlandais, pour les raisons qui ont fini par se manifester et conduire à ce désastre, ainsi résumé : contracté à 3 milliards, son prix de revient atteint plus de €10 Milliards, soit 7 milliards d’euros de pertes constatées en 2017, qui ont mis en faillite Areva, et qui ont été financées par le contribuable dans la plus grande indifférence, alors que l’EPR produit une électricité à un cout de 2,5 fois celui du marché actuel. Est-il utile de préciser que la France n’a pas les moyens de perdre autant d’argent, et c’est bien une perte de substance qui a été constatée, non un investissement comme certains esprits chagrins fâchés avec l’économie peuvent encore l’affirmer. D’autant que la technologie de l’EPR est en cours de déclassement : l’avenir est aux petites centrales à lit fluidisé… Si l’on remplace notre parc par des EPR, le cout de l’électricité va pratiquement tripler : ce qui ne réduira pas le nombre de gilets jaunes. Mais chute : c’est un tabou, sur lequel Renaud ne m’a jamais répondu… https://www.lesechos.fr/2004/11/le-reacteur-nucleaire-epr-un-projet-pharaonique-de-plus-1063741?fbclid=IwAR2RlrIZGfoX6smLJ6PBf76E6P881quzka68Blg1BopaJMZA9RDvMo6_nEY

    Conclusion
    La conclusion est que nous avons environ 15 réacteurs de trop sur 55, et qu’il faut en fermer progressivement autant. A €1,6 milliards la centrale en euro valeur 2000, c’est €24 milliards de capital engagé pour rien. Une paille. D’où la fermeture de Fessenheim, qui est la plus ancienne centrale en activité. C’est aussi la seule manière de faire remonter la rentabilité du parc existant, qui sera alors en base, à un taux d’occupation de ses capacités supérieur à 90%, permettant EDF de faire face aux centaines de milliards d’euros d’investissements dans l’extension de 30 à 40 ans de la durée de vie du parc (près d’€1 milliard par centrale), la constitution de provisions pour démantèlement des centrales en fin de vie, dont le coût, plus de €1 milliard par centrale, est à peu près aussi bien évalué que celui de l’EPR de Finlande…, le cout du retraitement des déchets et de l’enfouissement des déchets de très longue durée (entre 100 et 100.000 ans selon le déchet), qui pour l’instant n’a pas trouvé de solution.

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