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crédit photo: Pascal PAVANI / AFP

Il y a vingt ans, les Chinois admiraient encore l’industrie française. Ils nous enviaient nos 4 A. Alstom, Alcatel, Airbus, Areva. Aujourd’hui, ils ne nous envient plus qu’un seul A. C’est Airbus, dont ils essaient de soutirer les secrets technologiques par tous les moyens.

Il y a seulement une génération, Alcatel caracolait dans le monde comme la plus brillante entreprise de télécommunications. Elle a fondu, à coups de dépeçages, de plans sociaux, de fusion, d’absorption. Aujourd’hui avalée par Nokia, elle n’est plus que l’ombre de ce qu’elle fut. Parallèlement, Huawei, qui n’était à l’époque qu’un distributeur provincial chinois, est devenu un géant technologique mondial, en avance sur tous ses concurrents en matière de 5-G.

Quelle explication à ce désastre pour l’économie et l’emploi français ? Les Chinois ont une stratégie industrielle, alors que la France n’en a pas. Elle n’a eu que de modestes « politiques industrielles », qui n’ont jamais servi qu’à placer des sparadraps dans des secteurs structurellement condamnés, afin d’afficher le sauvetage (toujours provisoire) de quelques emplois. La France aurait pu faire d’Alcatel (l’ancienne Compagnie générale d’électricité) un champion industriel mondial de la taille de Huawei dans les télécommunications. Par manque de stratégie, par peur d’investir, par naïveté quant à la férocité de la concurrence mondiale, la France a laissé passer sa chance. C’était l’époque où le patron d’Alcatel rêvait d’une « entreprise sans usines » et où, à Matignon, l’on imaginait une économie française reposant sur les services. Longtemps la France officielle fit la politique de l’autruche. Elle refusa de constater, puis d’analyser, son décrochage dramatique par rapport à son voisin allemand, en termes de production industrielle, de comptes publics, de balance commerciale. Elle nia l’évidence : c’est l’innovation et l’industrie qui sont facteurs de croissance ; les services ne font que suivre.

Les Chinois ne sont pas les seuls à disposer d’une stratégie industrielle – qui chez eux s’appelle Made in China 2025, et qui vise à moins dépendre de la technologie occidentale. L’Allemagne, également, dispose d’une stratégie industrielle. Elle s’appelle Industrie 4.0 et est mise en œuvre par le Ministère fédéral de l’Economie à Berlin. Il s’agit de digitaliser toutes les lignes de production, de créer une communication constante entre la production et les clients, au point de pouvoir fabriquer à la carte, sans augmentation de prix significative par rapport aux productions de masse standardisées. Incitée par le gouvernement fédéral à Berlin, l’industrie allemande investira 40 milliards par an dans la digitalisation des lignes de production, à partir de 2020.

Est-ce à dire que la France devrait élaborer une stratégie industrielle pour elle seule, sans considération pour son appartenance à l’Union européenne ? Bien sûr que non. On ne peut pas affronter les géants américains et chinois sans une taille minimum. Mais faisons confiance aux industriels et ne demandons pas aux fonctionnaires de l’UE ce qu’ils ne peuvent pas faire : concevoir des projets concrets, pour les exécuter ensuite dans les moindres détails. Les structures communautaires ont démontré, à une exception près (le programme de GPS européen Galileo où les Européens devraient au moins égaler les performances du GPS américain), qu’elles sont impropres à susciter de véritables percées technologiques.

Depuis 1958, la Commission européenne a dépensé pour l’innovation bien davantage que l’ARPA américaine (devenue ultérieurement DARPA). Créée par Eisenhower comme une agence d’innovation de rupture – en réaction au choc que fut le succès soviétique du Spoutnik -, la Defense Advanced Research Project Agency du Pentagone a consacré, au cours de son histoire, quelque 58 milliards de dollars actualisés à différents projets. Mais quel succès ! Elle est à l’origine des microprocesseurs, d’internet – dont le nom initial était arpanet -, des premiers prototypes d’avions furtifs, de percées majeures dans l’intelligence artificielle. Les clés du succès de la DARPA depuis 61 ans ? Des responsables non fonctionnaires choisis pour leur expertise scientifique ou industrielle, dont les mandats sont limités dans le temps. Un circuit de décision court et la capacité d’arrêter rapidement les programmes voués à l’échec.

Faisons preuve désormais d’imagination et de créativité, en raccourcissant les circuits bureaucratiques. Le nucléaire et l’espace doivent être préservés mais reformatés. Le défi de la 5-G doit être relevé. Pas seulement par la protection mais aussi par l’industrie européenne. Seul l’Etat peut l’initier. Souvenons-nous du projet franco-allemand Airbus, dont le principe a été approuvé par l’un des derniers conseils restreints présidés par le général de Gaulle en 1969…

2 commentaires sur « Il faut une stratégie industrielle française »

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