Pour son retour triomphal aux affaires, Donald Trump a innové. D’habitude, les cérémonies d’inauguration de mandat présidentiel à Washington demeurent strictement nationales. Mais, ce 20 janvier 2025, le 47e président des États-Unis avait décidé d’inviter des étrangers à assister à sa prestation de serment. Ainsi, par exemple, le président chinois Xi Jinping avait été invité – il a envoyé à sa place son vice-président -, ou la présidente du Conseil des ministres de l’Italie – Mme Meloni s’est rendue en personne -, ou encore le président argentin ultralibéral Javier Milei, ou le président du Salvador Nayib Bukele. Ces trois derniers sont des admirateurs avérés de Donald Trump, tandis que le premier représente la seule puissance mondiale capable de rivaliser économiquement et militairement avec les États-Unis d’Amérique. Dans les relations humaines, Trump aime respecter les forts et choyer ses amis.
Curieusement, dans cet aréopage international d’invités, ne figuraient ni le président du Conseil européen, ni la présidente de la Commission, ni la haute représentante pour les affaires étrangères. L’Union européenne compterait-elle pour du beurre aux yeux du 47e président des États-Unis ? C’est tout à fait possible. Trump n’a que répulsion pour les organisations internationales, où l’on vous joue la comédie de l’égalité des acteurs, où l’on vous oblige à écouter d’innombrables allocutions, où tout projet de décision doit suivre un processus interminable pour être exécuté. Adepte de la diplomatie transactionnelle, Trump ne connaît que les nations, qu’il juge par leur seule puissance, par leur seule capacité à nuire aux intérêts américains dans le monde.
Il est clair que Donald Trump n’a pas l’intention de caresser les Européens dans le sens du poil au cours des quatre prochaines années. Il ne les a pas consultés avant d’appeler Vladimir Poutine – avec qui il se fait fort de parvenir à un « deal » sur l’Ukraine dans les prochains mois – ; ni avant d’envoyer au Proche-Orient son envoyé spécial Steve Witkoff – lequel a réussi à imposer un cessez-le-feu aux Israéliens et au Hamas à Gaza ; ni avant de réclamer que l’île du Groenland, possession danoise depuis la nuit des temps, soit vendue aux États-Unis, comme jadis le furent la Louisiane ou l’Alaska.
Avec Trump, on est bel et bien revenu à l’ère de l’empire américain chimiquement pur, où Washington conduit le monde occidental comme il l’entend, sans en référer à ses alliés européens, vus comme de simples protégés, sans voix au chapitre. Trump est une personnalité qui s’inscrit dans une certaine continuité de bienveillance méprisante des États-Unis envers leurs plus vieux alliés. On se souvient du secrétaire au Trésor John Connally ou du secrétaire à la Défense Rumsfeld.
Après que les États-Unis eurent, pendant l’été 1971, unilatéralement aboli la convertibilité du dollar en or et détruit le système de changes fixes qu’ils avaient eux-mêmes créé à Bretton Woods à la fin de la Seconde Guerre mondiale, Connally avait rétorqué face à un cénacle de diplomates européens s’inquiétant des fluctuations de la monnaie américaine : « Le dollar est notre monnaie, mais c’est votre problème ! »
En janvier 2003, Rumsfeld avait traité l’Allemagne et la France de « vieille Europe » (par opposition à la nouvelle Europe incarnée par des pays comme la Pologne), simplement parce que Paris et Berlin refusaient de soutenir le projet américain d’invasion militaire de l’Irak. Les faits ont donné raison à la vieille Europe mais Washington n’a jamais présenté ses excuses à ses vieux alliés après que le désastre en Mésopotamie fut devenu évident.
S’il arrive au président des États-Unis de rudoyer les Européens, les torts sont il est vrai souvent partagés. Cela fait plus de dix ans que Trump réclame des Européens membres de l’Otan d’augmenter leurs budgets de défense. Il a fallu l’agression russe contre l’Ukraine de février 2022 pour que les Européens se mettent enfin à se réveiller. Les Européens auraient mieux fait d’écouter Trump à son premier avertissement et de construire dès ce moment-là une industrie de défense européenne conséquente. Ils ne l’ont pas fait et, dans la panique, se sont précipités en 2022 pour acheter des armes… américaines.
Si les Européens ne se sont pas montrés capables de créer l’économie de la connaissance qu’ils avaient promise lors de leur Sommet européen de Lisbonne en 2000, ils ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes. Même chose pour les marchés financiers. Le marché financier américain est infiniment plus profond que les marchés financiers européens. Ces derniers se présentent aux investisseurs planétaires en ordre dispersé, et avec des contraintes beaucoup plus nombreuses qu’aux États-Unis. Voici pourquoi la République américaine attire actuellement la moitié de tous les investissements internationaux.
Face à Trump, sache, belle Europe, relever la tête ! Ne te précipite pas aux pieds de l’Amérique pour lui acheter son gaz de schiste ou ses avions de combat hors de prix ! Cela ne te servira à rien, cela ne fera que conduire les nouvelles élites « Maga » à te mépriser davantage. Tu as parfaitement les moyens humains et financiers de rattraper l’Amérique dans les industries de la santé, de la défense, de la finance. Au lieu de geindre, mets-toi au travail, fais-le ! Et Trump finira par te respecter. Comme il respecte la Chine de Xi Jinping qui, l’année dernière, a sorti une croissance de son PIB supérieure à 5 %.
