Après que la police algérienne a, le 9 janvier 2025, refusé l’entrée sur le territoire algérien d’un ressortissant algérien expulsé de France pour incitation à la violence sur les réseaux sociaux, les ministres français de l’Intérieur et des Affaires étrangères ont immédiatement réagi. Le premier a dit que la France avait été « humiliée », et le second a brandi des mesures de rétorsion face à l’« escalade » de l’Algérie. Il était sans doute inévitable que ces hautes autorités s’expriment elles-mêmes sur ce cas, dans la mesure où l’affaire avait été médiatisée, dès la légitime dénonciation par le maire de Montpellier des messages dangereux émis par l’influenceur algérien Doualemn.

Sur le fond, il est contraire à tous les usages internationaux que l’Algérie refuse de recevoir sur son territoire son propre ressortissant. Sur la forme, il est regrettable que ce fait divers ait été médiatisé et qu’il ne soit pas resté au niveau des services de police français et algérien. La France et, plus encore, l’Algérie ont beaucoup souffert par le passé du terrorisme islamique. Il est crucial que les services de police des deux pays puissent continuer, dans la sérénité, à coopérer ensemble dans leur lutte contre le djihadisme international.

Le samedi 11 janvier 2025, le ministère algérien des Affaires étrangères a publié un communiqué précisant que « l’Algérie n’est, d’aucune façon, engagée dans une logique d’escalade, de surenchère ou d’humiliation ». Dont acte. Mais, au lieu de s’en tenir au sang-froid de cette réponse, les dirigeants algériens n’ont pas pu s’empêcher, dans la suite de ce communiqué, de faire un gros accès de paranoïa : « L’extrême droite revancharde et haineuse, ainsi que ses hérauts patentés au sein du gouvernement français, mènent actuellement une campagne de désinformation, voire de mystification, contre l’Algérie. » Tout cela parce que les politiques français ont apporté leur soutien moral à l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal. 

Ce dernier fut arrêté à sa descente d’avion du vol Paris-Alger à la mi-novembre 2024, pour « atteinte à la sûreté de l’État », après qu’il eut exprimé l’opinion que le territoire marocain aurait été tronqué au profit de l’Algérie du temps de la colonisation française. L’indispensable coopération sur le terrorisme des services français et algérien de police et de renseignements doit se faire sous le radar des polémiques politico-médiatiques.

Mal dans sa peau, car coupé de son peuple, le gouvernement algérien a infiniment tort de s’en prendre à la France à tout bout de champ, tel un Diafoirus diplomatique. Quant aux ministres français, ils ont le tort de parler trop et trop souvent. On aimerait que nos dirigeants parlent moins mais agissent davantage. Une politique sécuritaire et étrangère efficace ne se fait pas à coups de déclarations devant des micros. Elle se fait par des actes. Elle se fait par des négociations, qui doivent rester secrètes jusqu’à leur aboutissement. Elle se juge par les résultats concrets qu’elle obtient.

Quels sont les résultats concrets obtenus par la politique sécuritaire et étrangère de la France dans le nord du continent africain sous les présidences Sarkozy, Hollande et Macron ? Il suffit d’ouvrir les yeux pour constater qu’ils sont très proches de zéro. Le président Sarkozy a commis, en 2011, l’erreur de renverser par la force le régime libyen de Kadhafi, sans avoir sous la main des dirigeants libyens capable de le remplacer. Il s’ensuivit un immense chaos, en Libye puis dans l’ensemble du Sahel, qui n’est toujours pas résolu.

Kadhafi avait énormément de défauts, mais il avait au moins le mérite d’aider très concrètement l’Union européenne dans sa lutte contre les trafics d’êtres humains. Depuis la mort de Kadhafi, provoquée par un raid aérien français, la Libye est devenue la principale plaque tournante du trafic des êtres humains en Méditerranée. Et la France est directement impactée par cette immigration illégale. Le président Hollande a eu raison d’ordonner, au mois de janvier 2013, le bombardement par les hélicoptères français de la colonne djihadiste qui se dirigeait vers Bamako. Mais après avoir donné ce coup de main au Mali, il ne fallait pas y rester militairement. Il ne fallait pas lancer l’opération Barkhane, car la France n’a ni la vocation, ni les moyens de redevenir le gendarme de l’Afrique francophone, comme elle l’était du temps de ses colonies.

L’erreur du président Macron a été de prolonger l’erreur de son prédécesseur et de s’être comporté en maître d’école avec les chefs d’État africains. Sur la question du Sahara occidental (ex-espagnol), Emmanuel Macron a eu raison de trancher en faveur du Maroc. L’équité le commandait, dans la mesure où l’Algérie avait déjà bénéficié, en 1962, de l’intégralité du Sahara français, généreusement donné par la France, avec le pétrole qu’elle venait d’y trouver. Aux tribus des Reguibat du Sahara occidental, instrumentalisées par l’Algérie au sein du Front Polisario, le roi Hassan II du Maroc n’avait demandé qu’une allégeance « au timbre et au drapeau », étant prêt à leur donner une large autonomie. C’est Alger et non Rabat qui est responsable du niveau exécrable des relations algéro-marocaines.

Si l’Algérie est furieuse de l’équitable position française sur le Sahara occidental, c’est son problème. Macron a tout tenté pour améliorer les relations de la France avec l’Algérie. Si les dirigeants algériens n’ont pas été capables de prendre cette main tendue, ils ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes. Leur problème est qu’ils croient qu’ils vont être davantage respectés par leur population s’ils continuent à cracher sur la France.

Lors de son voyage de février 2017 en Algérie, le candidat Macron se crut obligé de qualifier la colonisation de « crime contre l’humanité ». Cet acte de repentance se révéla aussi inopportun qu’inutile. Les dirigeants algériens savent bien qu’ils parlent une langue, l’arabe, qui a été imposée aux populations berbères par des envahisseurs à cheval, venus au VIIe siècle, depuis une péninsule arabique située à 5 000 km de là. Toute l’histoire du monde est faite de colonisations successives. Nous, les Gaulois, avons beaucoup profité de la colonisation romaine, même si cette dernière ne fut pas dénuée de violence.

La repentance envers l’Algérie est contre-productive. Car si la France devait se repentir de sa présence en Algérie, il faudrait que le FLN présente également ses excuses pour ses innombrables attentats terroristes commencés dès la Toussaint 1954, pour le massacre d’Oran du 5 juillet 1962, pour ses violations flagrantes des accords d’Evian (torture et exécutions en masse des harkis, etc.). Évitons également de provoquer l’Algérie, pays à la susceptibilité exacerbée. Car cela n’apporte rien. Ni aux Français ni aux Algériens. Laissons l’histoire aux historiens et que les hommes politiques, français comme algériens, s’occupent d’améliorer la situation respective de leurs deux peuples, dans une coopération mutuellement profitable.

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