Par son voyage d’État au Maroc, du 28 au 30 octobre 2024, Emmanuel Macron renoue au plus haut niveau avec un pays très anciennement ami de la France. Historiquement, Paris est la première capitale européenne à avoir envoyé des diplomates auprès du trône de Fès, ce dès François Ier. En 1912, le traité de Fès convient d’un protectorat français, en matière de politique étrangère et de finances, mais le royaume conserve sa souveraineté et le sultan garde le droit de veto sur les « dahirs » pris en son nom. Le premier résident français est le général Lyautey, qui prône le dialogue systématique avec les élites marocaines, et qui laissera derrière lui une œuvre remarquable.
Sur la période de la Seconde Guerre mondiale, les Français se souviennent encore de la dignité du sultan Mohammed V qui refusa l’injonction de Vichy de boycotter les Juifs lors de la Fête du trône, ainsi que du rôle des tabors marocains dans la campagne de France sous les ordres du général de Lattre de Tassigny. Le 18 juin 1945, lors du défilé de la France combattante à Paris, Mohammed V fut fait compagnon de la Libération des mains du général de Gaulle, en reconnaissance des sacrifices consentis par son peuple pour soutenir l’effort de guerre de la France.
Lorsque le général revient aux affaires en 1958, il emmène Mohammed V en tournée en France, où celui qui est devenu roi après l’indépendance de 1956, est acclamé par les foules. En juillet 1961, le président de Gaulle, qui a décidé de donner leur indépendance aux départements français d’Algérie, propose au roi une discussion sur le partage futur du Sahara. Mohammed V la refuse, expliquant qu’il préférera l’avoir avec ses « frères algériens » lorsque ceux-ci auront obtenu leur indépendance. Cette discussion entre « frères » se passera très mal – les Algériens refusant de rendre Tindouf et Colomb-Béchar aux Marocains – et finira sur la « guerre des sables » de 1963. Les chefs du FLN algérien se montrèrent particulièrement ingrats à l’égard du trône marocain, qui les avait pourtant aidés dans leur lutte de « libération » nationale.
En novembre 1975, le roi Hassan II guida une immense Marche verte pacifique pour prendre le contrôle du Sahara occidental, que les Espagnols s’apprêtaient à quitter. Alors que ce territoire n’est que le prolongement naturel du Maroc vers le sud, les dirigeants algériens firent tout pour empêcher cette prise de contrôle. Voulaient-ils s’aménager une façade atlantique ? Toujours est-il qu’ils armèrent la fière tribu des Reguibat (celle qui jadis fit prisonnier l’aviateur Saint-Exupéry), et créèrent pour elle le Front Polisario, avec Tindouf comme base de repli, lui promettant l’indépendance. L’Algérie, qui ne voulait pas entendre parler d’une quelconque indépendance pour les Touaregs de Tamanrasset, alimenta une guerre pour la procurer aux Reguibat, au détriment du Maroc. Un diamant de politique de deux poids, deux mesures…
Depuis les années 1990, le conflit est gelé, politiquement comme militairement, avec des observateurs de l’ONU sur place. Mais le royaume a considérablement développé les provinces sahariennes qu’il contrôle, et qui s’étendent sur 80 % du territoire de l’ancien Sahara espagnol. L’été dernier, le président de la République française a tranché. Dans un courrier adressé au roi du Maroc à l’occasion de la Fête du trône, le 30 juillet 2024, Emmanuel Macron a indiqué qu’il « considère que le présent et l’avenir du Sahara occidental s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine ».
Cette décision française de reconnaissance de la marocanité du Sahara occidental, conforme à l’histoire et à l’équité, est le choix de la raison. Elle a en outre permis de réchauffer considérablement les relations bilatérales, qui s’étaient détériorées pour des raisons subalternes, et qui avaient encore empiré, à cause de la visite « officielle et d’amitié » d’Emmanuel Macron à Alger et à Oran, du 25 août au 27 août 2022. Le président français avait pris la main que lui tendait le président algérien Tebboune, qui l’avait invité. Mais cela n’avait servi à rien. Car le régime algérien, policier, corrompu et paresseux, a besoin d’un niveau constant de francophobie pour conserver un minimum de légitimité auprès de son peuple, qu’il ne consulte jamais dans des élections libres et transparentes.
Les Émirats arabes unis ont su profiter de leur pétrole pour construire un État moderne et fonctionnel. L’Algérie du FLN n’a rien fait du pétrole que lui ont trouvé et laissé les ingénieurs français. En 1962, l’Algérie était exportatrice nette de produits agricoles. Détruite par un système économique copié sur celui de feu l’URSS, elle importe aujourd’hui les deux tiers de sa nourriture. Le Maroc, lui, n’a pas reçu de cadeau pétrolier.
Mais, par le travail et l’initiative privée, il s’est remarquablement développé au cours des vingt dernières années, et il rayonne aujourd’hui sur le continent africain, bien davantage que l’Algérie. Alors que les bureaucrates algériens se nourrissent de ressentiment antifrançais, les entrepreneurs marocains, souvent formés dans les grandes écoles françaises, ne regardent que le futur. Les infrastructures du pays ont connu un boom spectaculaire.
Est-ce à dire que tout va bien dans le royaume de Mohammed VI ? Non, bien sûr. Il a encore de grosses lacunes à combler, en matière de scolarisation des enfants, de planning familial, de réduction des inégalités. Mais c’est un pays qui ne cesse de progresser. Il est réjouissant qu’il le fasse main dans la main avec sa vieille amie la France, dans le tourisme bien sûr, mais aussi dans l’éducation, l’agriculture, l’industrie, la défense, ainsi que dans une diplomatie équilibrée et réaliste, en Afrique comme au Moyen-Orient.
