Formé à l’issue des élections législatives du 1er novembre 2022, le 37e gouvernement de l’État d’Israël, ou sixième gouvernement Netanyahou, va bientôt fêter son deuxième anniversaire, soit son mi-mandat. Les commentateurs étaient quasi unanimes pour dire que le chef du Likoud ne se maintiendrait pas longtemps au pouvoir, après le pogrom du 7 octobre 2023, parce qu’il n’avait pas su anticiper l’attaque du Hamas contre les kibboutz du sud du pays (plus de 1 200 tués et 7 500 blessés).

Mais ce ne sont ni les journalistes ni les ONG qui font la politique réelle. Dans une démocratie parlementaire comme Israël, ce sont les députés. Or, à la Knesset, ils sont toujours 64 sur 120 à faire confiance à M.Netanyahou pour reconstruire la sécurité du pays, de laquelle dépend aussi sa prospérité.

Le premier ministre considère qu’Israël est confronté à trois défis sécuritaires majeurs, qu’il doit relever, non pas à la suite, mais en même temps. Benyamin Netanyahou ne se voit pas quitter le pouvoir sans avoir éliminé ces trois menaces.

La première est celle du mouvement palestinien Hamas, fondé en 1987, après le début de la première Intifada, (la révolte des pierres), dans les territoires arabes occupés par Israël depuis sa victoire dans sa guerre de juin 1967. Le Hamas est un mouvement islamiste, peu enclin ni au compromis avec l’extérieur, ni au débat démocratique à l’intérieur. À la différence de l’OLP de Yasser Arafat, le Hamas se refuse à reconnaître le droit à l’existence d’Israël, même dans ses frontières de 1967. Pour ces Frères musulmans, la Palestine ayant un jour fait partie du « Dar al-islam », elle doit le rester pour l’éternité.

Netanyahou a commis l’erreur de laisser les chefs militaires du Hamas gouverner seuls la bande de Gaza, allant jusqu’à autoriser le Qatar à les financer. Avec cet argent, Yahya Sinwar a eu tout loisir pour préparer son attaque contre Israël.

Après le 7 octobre, Netanyahou s’est engagé à détruire le Hamas, à démilitariser la bande de Gaza, à déradicaliser sa population. Pour lui, la libération des otages israéliens du 7 octobre encore vivants est souhaitable, mais secondaire par rapport à l’objectif militaire premier de la destruction du mouvement islamiste. Pour la gauche israélienne, c’est l’inverse.

Malgré une demande américaine persistante, Netanyahou ne lâchera pas son contrôle militaire sur le corridor de Philadelphie (la route longeant d’ouest en est la frontière du Sinaï). En échange des otages, il veut bien donner un sauf-conduit – vers l’Algérie, par exemple – à Sinwar et à ses lieutenants. Mais jamais il ne prendra le risque que se reconstitue à Gaza une menace militaire pour Israël.

Son premier défi sécuritaire est aujourd’hui pratiquement relevé. Le problème est que cela s’est fait à un coût réputationnel astronomique pour Israël. Devant les images des morts civils palestiniens (plus de trente mille), des destructions systématiques des infrastructures (universités, hôpitaux, stations d’épuration, etc.) et des immeubles d’habitation à Gaza, l’opinion arabe mais aussi une partie de la jeunesse occidentale se sont révoltées. La rhétorique du génocide est en train de se retourner contre l’État juif. Se rend-il compte qu’il a vaincu tactiquement le Hamas, mais qu’il est en train de perdre la guerre mondiale de l’information ?

Les accords d’Abraham, qui avaient commencé à intégrer Israël dans sa région arabo-musulmane, sont désormais au point mort. L’Arabie saoudite a déclaré qu’elle n’établirait pas de relations diplomatiques avec Israël tant que les Palestiniens n’auraient pas d’État. Le monde entier exige d’Israël un État pour les Palestiniens. Seul Netanyahou n’en veut pas. « Me garantissez-vous que cet État palestinien que vous voulez que je crée à 20 kilomètres de l’aéroport Ben Gourion ne m’attaquera jamais plus ?, m’avait-il dit dans son bureau de Tel-Aviv, le 15 juin 2024. Depuis leur rejet initial du plan de partage de l’ONU de 1947, les Palestiniens ont refusé systématiquement les offres territoriales qui leur ont été faites ! »

Le deuxième défi sécuritaire est celui du Hezbollah, qui bombarde sporadiquement le nord d’Israël depuis le 8 octobre, par solidarité au sein de l’« axe de la résistance » mené par Téhéran. Netanyahou a promis aux 70.000 Israéliens qui ont fui leurs habitations dans le nord qu’ils pourraient très prochainement rentrer chez eux. Contre le mouvement chiite libanais, Israël a fait preuve de davantage d’intelligence. Au lieu de rejouer le bombardement de Dresde comme à Gaza, il a mis au point des opérations ciblées hypersophistiquées, frappant directement les cadres du Hezbollah.

Cela suffira-t-il à dissuader les militants du parti chiite de poursuivre leur harcèlement du territoire israélien ? Israël et le Hezbollah n’ont certes pas envie de rejouer leur match délétère de juillet 2006. Mais la paranoïa, les querelles d’ego, les surinterprétations peuvent les entraîner malgré eux dans une escalade incontrôlable.

Le dernier défi provient du vrai patron du Hezbollah, à savoir la République islamique d’Iran. Netanyahou considère qu’un Iran nucléaire ferait peser une menace existentielle sur Israël. Mais pourquoi alors n’encourage-t-il pas un « Grand Bargain » diplomatique entre les États-Unis et l’Iran ? Ce dernier ne désamorcerait-il pas d’un coup les menaces du nucléaire iranien et de l’« axe de résistance » arabo-musulman pesant contre son pays ?

Ce mercredi 25 septembre 2024, le premier ministre israélien s’envolera pour les États-Unis. Espérons, pour la paix, qu’il sera capable d’un tel saut stratégique, équivalent en audace avec ce qu’avait fait l’Égyptien Sadate, en se rendant à Jérusalem, le 19 novembre 1977.

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