Vis-à-vis des autres nations, la France sort indéniablement affaiblie de la séquence électorale, aussi étrange qu’inattendue, qu’elle vient de subir. Depuis que le général de Gaulle avait réformé ses institutions, le pays était connu pour la stabilité de ses pouvoirs publics, à l’inverse de l’Italie, qui changeait sans arrêt de gouvernement. Cinq mois après la nomination d’un nouveau premier ministre français, voici qu’un scrutin national inopiné vient interrompre le cycle des indispensables réformes qu’il avait entamées.

Même si le président de la République a refusé, le 8 juillet 2024, la démission de Gabriel Attal, on ne voit pas son gouvernement entreprendre une grande réforme du système social français, aujourd’hui en partie financée par la dette. Cette dernière atteint des proportions gigantesques, au point que la Commission européenne s’en est récemment inquiétée publiquement. La charge de la dette est devenue le premier poste du budget de l’État. On commence à se demander si la France ne sera pas un jour un État failli, à l’image de l’Argentine ou du Venezuela.

Grâce à un système de désistement « républicain » qui rappelle celui des apparentements de la IVe République, le Nouveau Front populaire (NFP), vient d’obtenir 184 députés sur les 577 que compte l’Assemblée nationale. En son sein, La France insoumise (LFI) défend un programme dément de hausse des dépenses publiques et des impôts, alors que la pression fiscale française est déjà la plus élevée du monde. Si cette gauche extrême était entendue, nous assisterions à l’exode des derniers investisseurs et entrepreneurs croyant encore en notre pays.

Espérons qu’Emmanuel Macron ne cédera pas à la pression des nouveaux députés d’extrême gauche qu’il a fait entrer au Palais Bourbon, et qu’il ne détruira pas tout le travail qu’il a accompli, après son élection de 2017, en faveur des entrepreneurs français et des investissements internationaux sur le sol français. Alors que rien de sérieux n’a été fait en France depuis sept ans pour stopper la spirale infernale de l’endettement, nos alliés européens voient avec tristesse retomber dans les affres politiques de la IVe République le beau pays qu’avait si remarquablement redressé le général de Gaulle et Georges Pompidou.

Le mal étant fait, il importe désormais de ne pas l’aggraver. En raison de la complexité des petits jeux parlementaires qui ne manqueront pas de surgir à l’Assemblée, la mise en place d’une nouvelle politique intérieure de la République française prendra beaucoup de temps, si tant est qu’elle soit possible. Mais l’urgence aujourd’hui est d’assurer la continuité du rôle international de la France, membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, leader historique de la construction européenne, et l’un des trois pays de l’Alliance atlantique dotés de l’arme nucléaire.

La seule personne qui puisse aujourd’hui incarner la continuité internationale de la France est Emmanuel Macron. En effet, la Constitution, dans son article 5, confie au président de la République la mission d’assurer la continuité de l’État, ainsi que d’être le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités. En outre, l’article 15 dispose qu’il est le chef des armées et qu’il préside les conseils et comités supérieurs de la défense nationale. Bref, la Constitution fait du président l’autorité suprême en matière de sécurité du pays, laquelle dépend de ses forces armées et de sa diplomatie.

Si un parti avait remporté la majorité absolue des sièges à l’Assemblée, le président n’aurait pas eu d’autre choix que de partager ces prérogatives. Afin de respecter le suffrage populaire et la souveraineté du peuple, le leader de ce parti eût été nommé premier ministre, avec les pouvoirs très étendus que lui confère l’article 20 de la Constitution française : « Le gouvernement détermine et conduit la politique de la nation. Il dispose de l’administration et de la force armée. Il est responsable devant le Parlement… »

Mais, aujourd’hui, le peuple français, bien que sollicité, n’a pas choisi clairement de gouvernement. Il a envoyé à l’Assemblée nationale une macédoine de légumes, composée de trois grands blocs équivalents. Ces légumes sont dans son garde-manger depuis la première moitié du XIXe siècle. Le premier bloc incarne la gauche révolutionnaire de février 1848 ; le second, le centre orléaniste d’août 1830 ; le troisième, la droite bonapartiste de décembre 1848. Sans doute par fantaisie, le peuple français a ajouté à cette macédoine une mayonnaise néogaulliste de 60 députés, sans qu’on sache aujourd’hui si elle rendra le plat moins ou plus comestible.

Dès le mercredi 10 juillet, le président Macron sera à Washington pour participer au sommet de l’Alliance atlantique. Il assurera la continuité internationale de la France. Il fera entendre une voix importante en faveur du réarmement de l’Europe face au danger que lui fait courir l’expansionnisme russe. Tous les hommes de bonne volonté souhaitent la fin de la boucherie entre frères slaves ukrainiens et russes, provoquée par le geste insensé de Vladimir Poutine. Mais si devait un jour intervenir un cessez-le-feu, il serait crucial que l’Ukraine obtienne des garanties de sécurité telles que les Russes soient une fois pour toutes dissuadés de l’agresser. Sur ce dossier, la voix d’Emmanuel Macron peut apporter une réelle valeur ajoutée.

De 1997 à 2002, la France connut la cohabitation entre le président de droite, Jacques Chirac, et le premier ministre de gauche Lionel Jospin. Accepté et apprécié par les deux, Hubert Védrine fut un très bon ministre des Affaires étrangères, ayant à cœur de défendre les intérêts du pays, sans esprit partisan. Il est important que ce modèle de coopération civilisée soit adopté pour les circonstances présentes. Le but de la politique n’est pas de ménager son ego ou de libérer ses haines recuites. Il est de servir toujours, au mieux, les intérêts du pays.

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