Lors de l’attaque surprise des islamistes du Hamas du 7 octobre 2023 contre le territoire internationalement reconnu d’Israël – où Tsahal mit tant de temps à réagir parce que le gouvernement avait dégarni le front sud pour envoyer les soldats protéger les implantations coloniales illégales en Cisjordanie -, il y eut des citoyens israéliens qui se comportèrent en héros. L’un d’eux était un général à la retraite, ancien numéro deux de l’armée, du nom de Yaïr Golan. Ce matin-là, cet homme de gauche est parti seul, dans sa petite Toyota Yaris, l’arme à la main, sauver des participants du festival de musique Nova.

Aujourd’hui, le général Golan réclame la démission du premier ministre israélien : « Il n’y a pas d’échec militaire sans échec politique. Au lieu de renforcer l’Autorité palestinienne et d’affaiblir le Hamas, Nétanyahou a fait l’inverse. C’est une honte. Il a échoué. Sa stratégie a été désastreuse. »

Il est difficile de donner tort au général Golan. En 1993, Nétanyahou fut l’opposant le plus virulent à la politique du premier ministre Rabin, qui signa avec Yasser Arafat les accords d’Oslo. Ces derniers prévoyaient, en échange d’une reconnaissance immédiate d’Israël par les Palestiniens de l’OLP (Organisation de libération de la Palestine, fondée en 1964 à Jérusalem), la constitution progressive d’un État palestinien indépendant sur les territoires de Gaza et de Cisjordanie, occupés par Tsahal après sa victoire dans la guerre des Six Jours de 1967. Les accords d’Oslo avaient été suivis, en 1994, par la signature d’un traité de paix entre Israël et la Jordanie, où cette dernière renonçait formellement à toute prétention territoriale sur la Cisjordanie (dont l’armée jordanienne s’était emparée lors de la guerre israélo-arabe de 1948).

Nétanyahou orchestra à l’époque une campagne de haine contre le premier ministre Rabin, le traitant carrément de traître. Ce dernier fut finalement assassiné par un extrémiste religieux juif, le 4 novembre 1995, alors qu’il assistait, sur la place des Rois à Tel-Aviv, à un immense meeting en faveur de la paix.

Les sionistes religieux, avec qui Nétanyahou a conclu un pacte de gouvernement, considèrent que l’entièreté de la Palestine appartient au peuple juif, car elle a été donnée, pour lui, à Moïse, par Yahvé. En miroir aux juifs religieux, les Frères musulmans du Hamas, mouvement fondé par le cheikh Yacine en 1987, ont cherché eux aussi, par des attentats terroristes, à faire dérailler le processus de paix d’Oslo. Pour ces islamistes, toute terre qui a été musulmane ne peut changer de statut et doit le rester. C’est le cas de la Palestine, qui fut gouvernée pendant quatre siècles par les Ottomans avant de faire l’objet d’un mandat de la SDN en 1922, confié aux Britanniques, lesquels avaient promis, dès 1917, d’en faire un « foyer national juif ». Le Hamas a donc toujours refusé de reconnaître le droit à l’existence d’Israël. La seule concession que conçoit, pour le moment, ce mouvement islamiste, est de négocier une « trêve », fût-ce pour cinq ou dix ans.

Or, au lieu d’aider les héritiers de Yasser Arafat – qui reconnaissent à Israël le droit d’exister (sur 78 % du territoire de la Palestine mandataire) -, Nétanyahou a, depuis vingt ans, favorisé, par toutes sortes de stratagèmes, le Hamas – qui pourtant ne reconnaît même pas ce droit. Il a notamment autorisé le Qatar à financer le Hamas à hauteur de 40 millions de dollars par mois. Cet argent arrivait en cash à l’aéroport Ben Gourion de Lod, puis était convoyé par les services secrets israéliens vers la frontière avec Gaza, où il était donné au mouvement islamiste. C’est avec cet argent que le Hamas a pu creuser un tel réseau de 500 kilomètres de tunnels. Le « concept » de Nétanyahou était de renforcer un mouvement islamiste, inacceptable par les Occidentaux, et d’affaiblir au maximum l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas, acceptable, afin de renvoyer aux calendes grecques la création d’un État palestinien, dont il n’a jamais sincèrement voulu.

Le pire est que la stratégie de Nétanyahou depuis le 7 octobre est demeurée contre-productive. Il a ordonné une campagne intensive de bombardements, qui a détruit les infrastructures de Gaza, les deux tiers de ses logements, et tué près de 30.000 civils innocents, sans pour autant réussir à s’emparer des deux grands chefs militaires du Hamas, Yahya Sinwar et Mohammed Deïf. La politique du premier ministre a été considérée par le monde entier comme un acte de vengeance contre l’ensemble de la population palestinienne et non comme une opération militaire légitime d’élimination des chefs terroristes. Car Israël a par ailleurs prouvé militairement sa grande maîtrise des opérations chirurgicales antiterroristes. Le 2 janvier 2024, Tsahal a été capable de tuer le numéro deux du Hamas, en envoyant un missile directement dans l’appartement où il tenait une réunion à Beyrouth. Le 1er avril, c’est un général des gardiens de la révolution iraniens, responsable des opérations au Proche-Orient, qui était tué dans une frappe sur une annexe de l’ambassade iranienne à Damas.

La sympathie pour Israël des nations du Sud global mais aussi de l’Occident a sensiblement diminué à cause de Nétanyahou et de ses alliés extrémistes au gouvernement, Ben-Gvir et Smotrich (lesquels ont proposé un exode pur et simple de tous les Palestiniens hors de Gaza). Un grand État des Brics, l’Afrique du Sud, s’est même senti autorisé à accuser, devant la Cour internationale de justice, les Israéliens de génocide. Voilà les petits-enfants des rescapés du plus grand génocide du XXe siècle accusés d’être des génocidaires eux-mêmes. L’accusation est évidemment excessive, mais elle porte médiatiquement. Portée par les minorités agissantes, elle s’infiltre insidieusement dans nos universités.

Or, dans les relations internationales, le ressenti des opinions publiques est souvent encore plus important que la réalité des faits. Israël, qui est une démocratie ouverte sur le monde, politiquement, intellectuellement et commercialement, a besoin, pour sa survie à long terme, de jouir mondialement d’une bonne réputation. Si elles venaient à s’amplifier, les campagnes BDS (Boycott, désinvestissement, sanctions), ourdies par ses ennemis idéologiques, pourraient un jour devenir très préjudiciables à l’État hébreu.

Voici pourquoi il devient important que les puissances occidentales amies d’Israël songent à le protéger contre lui-même, surtout quand il devient l’otage de stratégies à moyen terme suicidaires.

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