2023 n’est pas une année où la France aura brillé par sa diplomatie. Son influence globale a reculé en Afrique ; ses efforts ont échoué pour ramener la paix au Proche-Orient ; son rôle a stagné au sein de l’Union européenne.
Est-ce à dire que Paris devrait laisser filer ces trois domaines, pour reprendre une expression footballistique ? Le joueur qui ne prend volontairement pas le contrôle d’un ballon qui lui était destiné a dans l’idée qu’un coéquipier est mieux placé que lui pour réussir. C’est une option qui n’existe pas pour le joueur français sur le grand terrain diplomatique du monde. Parmi les membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, aucune puissance n’est mieux placée que la France pour comprendre les problématiques africaines, pour faire entendre la voix de la raison au Moyen-Orient, pour insuffler une nouvelle vision à l’Union européenne.
Plutôt que les laisser filer, la France devrait concentrer sa diplomatie sur ces trois secteurs, car c’est là qu’elle pourra créer le plus de valeur ajoutée et réaliser une belle remontada diplomatique en 2024. Sur les autres grands défis géopolitiques contemporains – guerre russo-ukrainienne, rivalités dans l’Indo-Pacifique, réforme du système financier international, urgence climatique, liberté du commerce -, la République française pourra sans doute apporter sa pierre, mais elle ne dispose pas, elle ne dispose plus, de levier particulier pour faire avancer les choses en position de leader.
L’important, dans une diplomatie, est de ne pas confondre ambition et mégalomanie. Il ne faut surtout pas, quand on est une puissance moyenne, se permettre de donner des leçons aux autres nations : cela les irritera toujours, sans jamais faire progresser les causes qu’on avait en tête.
Une France professorale ne parviendra jamais à rien en diplomatie. Si elle a des leçons en magasin, qu’elle se les administre à elle-même. Elle ne manque pas à cet égard de champs d’application. N’est-il pas urgent qu’elle ramène la sécurité dans ses rues, qu’elle rétablisse l’équilibre de ses finances publiques, qu’elle remonte la qualité de son éducation nationale ? Pour être entendu dans le monde, la première condition requise est l’exemplarité.
En Afrique, la France a perdu pratiquement toute influence dans le nord du continent. Au Maghreb, elle a réussi à se brouiller avec le Maroc, sans pour autant se réconcilier avec l’Algérie. Au Sahel, région à laquelle elle a consacré des efforts militaires substantiels, elle est brouillée avec trois pays sur cinq : le Mali, le Burkina Faso, le Niger.
À quoi est dû un tel déclin ? La faute initiale est l’intervention militaire française de 2011 en Libye, déclenchée au nom des droits de l’homme. Au lieu d’implanter la démocratie dans le pays de Kadhafi, nous y avons apporté le chaos. Nous avons renversé un régime sans avoir préparé son remplaçant. Les armes pillées dans les arsenaux libyens ont créé un immense désordre dans tous les pays voisins de la Libye. En 2013, nous sommes intervenus militairement au Mali pour détruire une colonne de djihadistes fonçant sur Bamako. Notre erreur est d’être resté sur place, laissant croire aux populations que nous allions sécuriser leurs lieux de vie — mission que nous n’avions pas les moyens d’assurer, ni moraux, ni politiques, ni militaires, ni financiers.
Pour reconstruire notre relation, l’important sera de répéter aux peuples africains que la France n’a pas vocation à les recoloniser, ni militairement, ni économiquement. Qu’elle est seulement là pour aider ses amis, toujours ponctuellement et toujours à leur demande. Il est urgent de renouer avec le Maroc, quitte à reconnaître la marocanité du Sahara occidental. Ce ne serait que justice, quand on sait l’énorme part de ce désert donnée à l’Algérie par la France en 1962.
Au Moyen-Orient, la France est favorisée par la position équilibrée prise par le général de Gaulle – et maintenue par François Mitterrand – sur le conflit israélo-arabe. Fort de son amitié historique avec Israël, de ses liens privilégiés actuels avec l’Égypte, la Jordanie et les pétromonarchies du Golfe, de ses contacts maintenus avec l’Iran, la France est la mieux placée pour devenir l’indispensable médiateur pour mettre fin à la guerre. Mieux que l’Amérique, trop engagée du côté israélien ; mieux que la Russie, discréditée par son agression de l’Ukraine.
Au sein de l’Union européenne, la France n’a plus l’influence qu’elle avait du temps où Jacques Delors, personnalité visionnaire, présidait la Commission. Mais elle peut en regagner une partie, en anticipant quelle devrait être la diplomatie bruxelloise, face à une Administration américaine qui va redevenir, partiellement ou totalement, républicaine dès janvier 2025. Face au « Make America Great Again » est requise une sérieuse préparation politique et économique…
