Le mercredi 20 décembre 2023 se tiendront, en République démocratique du Congo (RDC, ex-Zaïre), des élections présidentielle et législatives. Avec ses 100 millions d’habitants, le Congo-Kinshasa est le plus grand pays francophone du monde. Vaste comme quatre fois la France, arrosé par l’immense fleuve Congo, doté de huit voisins (Congo-Brazzaville, Centrafrique, Soudan du Sud, Ouganda, Rwanda, Burundi, Zambie, Angola), ce pays est au cœur d’un continent qui concentre tant d’enjeux globaux, politiques, économiques, démographiques.

Le drame de la RDC est qu’elle n’est pas encore parvenue, ni politiquement, ni économiquement, à devenir le cœur de l’Afrique. Au cœur, mais pas le cœur. Sauf dans le domaine culturel, grâce à la popularité planétaire de sa musique, la rumba congolaise.

La nature a pourtant incroyablement bien doté la RDC. C’est un pays très arrosé, où tout pousse facilement. Le débit moyen du Congo à son embouchure atteint le chiffre colossal de 50.000 mètres cubes par seconde. Avec un tel atout, la RDC devrait être, de loin, la plus grande puissance agricole et énergétique du continent.

Mais, pays très mal administré, corrompu et ravagé par les conflits internes, mi-ethniques, mi-mafieux, depuis trente ans, la RDC a été incapable de créer les infrastructures nécessaires à une agro-industrie dynamique. Le site hydroélectrique d’Inga (situé en aval de Kinshasa, à mi-chemin de l’océan Atlantique) aurait le potentiel de fournir suffisamment d’électricité pour la consommation de la RDC et de tous ses voisins. Comme rien n’y a été fait depuis les années 1980, il travaille à moins de 15% de son potentiel.

Après des élections controversées, l’ancien opposant Félix Tshisekediest devenu président en janvier 2019. Il avait promis de rétablir la sécurité, notamment dans l’est du pays, et d’élever le niveau de vie de la population. Sur ces deux promesses, il a failli. L’activité des groupes armés a été multipliée par deux et le niveau de vie a plutôt baissé. Les recettes minières du pays ne ruissellent pas vers le bas et ne servent pas suffisamment à financer de nouvelles infrastructures.

Candidat à sa réélection, Tshisekedi a fait une campagne populiste, en pointant, dans la personne du président rwandais, Paul Kagamé, le prédateur de la nation congolaise. Il est vrai que, grâce à sa complicité cachée avec la milice M23, le Rwanda pille allègrement une partie des richesses minières de l’est de la RDC (cobalt, cuivre, nickel, étain, or, diamants, etc.). De là à accuser Kagamé d’être responsable de tous les maux qui rongent le Congo…

Si, grâce à la prime au sortant, Tshisekedi est réélu, se consacrera-t-il entièrement au rétablissement de la sécurité, puis à l’établissement d’un État de droit ? Au vu de son bilan, on peut en douter. C’est dommage, car il est urgent que la RDC fasse enfin quelque chose de son immense potentiel économique. Sans sécurité, les investisseurs internationaux ne viendront pas. Si, demain, la RDC redevenait un régime fort mais avec le respect de la loi, les investisseurs spécialisés dans l’énergie et l’agro-industrie se précipiteraient dans ce pays de cocagne.

Du côté de l’opposition, le candidat qui fait la course en tête pour ce scrutin à un seul tour est le métis Moïse Katumbi, fils d’un Juif italien ayant fui Rhodes pendant la Seconde Guerre mondiale et d’une princesse de l’ethnie bemba. Scolarisé par des missionnaires catholiques belges dans un internat de brousse, Katumbi a conservé une foi chrétienne chevillée au corps. Entrepreneur dans le commerce des poissons des Grands Lacs, il s’est ensuite diversifié dans les services aux mines, puis dans l’activité minière. De 2007 à 2015, il a été le gouverneur du Katanga. Passionné d’agriculture, c’est un milliardaire qui ne brigue pas la présidence pour s’enrichir. Il a sillonné le pays, promettant le changement et l’espoir, et a pu obtenir le ralliement d’autres opposants, comme l’ancien premier ministre Matata Ponyo.

Deuxième de la dernière présidentielle (et premier selon l’Église catholique), Martin Fayulu, ancien cadre d’ExxonMobil, ne semble pas avoir retrouvé sa popularité de 2018, malgré un discours toujours aussi combatif. Quant à la campagne du Dr Denis Mukwege, Prix Nobel de la paix 2018, elle n’a jamais vraiment pris, malgré ses nombreux soutiens internationaux.

Le premier défi de cette élection sera sa transparence, son caractère démocratique, alors que l’Union européenne a annulé sa mission d’observation. Les candidats accepteront-ils le résultat, quel qu’il soit ? L’un des opposants, s’il gagne, réussira-t-il à transformer son pays ? Sera-t-il à la RDC ce que Lee Kuan Yew fut à Singapour ? En Afrique, l’histoire est faite par les hommes, bien plus que par les « superstructures » chères aux théoriciens marxistes de l’époque des indépendances.

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