Plus horribles les uns que les autres, les récits, les images, continuent d’affluer depuis les kibboutz et les villages, martyrisés par le Hamas, dans son raid du 7 octobre 2023, contre le territoire internationalement reconnu d’Israël.
Certains, en Orient comme en Occident, s’étonnent que les combattants islamistes nationalistes du Hamas soient qualifiés de « terroristes ». Il eût été abusif de les traiter ainsi s’ils s’étaient contentés de détruire les hautes murailles de barbelés et leurs miradors équipés de mitrailleuses automatiques qui ont fait de la bande de Gaza (365 km2) la plus grande prison à ciel ouvert du monde.
Dans la mesure où la Palestine ne connaît toujours pas de réel traité de paix depuis la guerre de 1948, on aurait pu comprendre – sans pour autant l’approuver – que ces jeunes Frères musulmans s’attaquassent à des postes militaires israéliens. Mais le massacre de vieillards, de femmes, d’enfants, de bébés totalement innocents est un acte révoltant. Les assaillants du Hamas sont des terroristes pas différents de ceux du 11 septembre 2001 aux États-Unis ou du Bataclan en France.
Pourquoi le Hamas a-t-il ajouté la barbarie au meurtre ? Une dizaine ou une vingtaine de civils innocents tués par des soldats perdant leur sang-froid en opération, cela s’appelle une bavure, voire un crime de guerre. L’armée française en a hélas jadis commis en Indochine et en Algérie ; et l’armée américaine au Vietnam et en Irak. Mais 1100 civils israéliens massacrés en une seule journée, cela s’appelle un pogrom à principe génocidaire. On n’avait pas connu ça depuis la Shoah par balle en Ukraine et en Biélorussie des années 1941-1942.
Pourquoi le Hamas a-t-il choisi l’option du pogrom plutôt que celle de la destruction des infrastructures d’incarcération de la population palestinienne qu’il prétend défendre ? Croyait-il que la population israélienne allait être intimidée par ce terrorisme puissance 10 ? Certainement pas, car il sait d’expérience que, depuis David Ben Gourion, les Israéliens n’ont jamais cédé, ni au terrorisme, ni à l’intimidation extérieure.
Alors pourquoi ? Parce qu’il voulait faire tomber Israël dans le piège de la vengeance aveugle. Il voulait ces images de destruction massive des immeubles de Gaza par l’aviation israélienne, ces images d’enfants ensanglantés portés par leurs parents fous de douleur. Il savait qu’elles feraient le tour du monde et qu’elles rallieraient à lui le milliard de musulmans que compte l’humanité. Un combattant du Hamas se moque du bien-être de sa population comme de sa première grenade. C’est un homme dopé à l’idéologie, dont toute l’énergie est concentrée sur un seul objectif fantasmé, eschatologique : l’établissement d’un État islamique arabe sur l’intégralité du territoire de la Palestine mandataire.
Le démantèlement du Hamas, but assigné à Tsahal par le cabinet de guerre israélien, est légitime. Il est grave que le gouvernement Netanyahou, obsédé qu’il était par la sécurisation des colonies illégales de Cisjordanie, ait négligé à ce point la sécurité de la frontière sud d’Israël. Il serait impardonnable qu’un tel pogrom se reproduise.
Mais, dans sa riposte, Israël ne saurait être guidé par l’esprit de vengeance. Pour des raisons de morale autant que d’efficacité politique.
Depuis sa fondation, l’État d’Israël est un État qui se veut démocratique et moral. C’est un État qui a toujours voulu incarner les plus hautes valeurs du judaïsme. Il n’applique pas la peine de mort, même à ses ennemis. Il professe la tolérance religieuse et politique. C’est un État de droit qui autorise, à la Knesset, la représentation de toutes les tendances politiques, des plus laïques aux plus religieuses, chez les 7 millions et demi de Juifs, comme parmi le million et demi d’Arabes israéliens. Céder à la vengeance, c’est trahir le meilleur de la tradition juive, c’est se comporter aussi mal que son ennemi, c’est faire son jeu.
Politiquement, contre-productive sera une riposte ressemblant à de la vengeance, à une punition collective du peuple palestinien de Gaza, que ce soit par la ruine ou par la famine. Déjà, le Hamas, maître dans l’instrumentalisation des images de victimes, a réussi à geler, sinon à torpiller, les accords d’Abraham. Ils avaient le mérite de mieux intégrer l’État d’Israël dans son environnement arabe et musulman, de Rabat à Abu Dhabi.
Quand et où les punitions collectives ont-elles marché dans l’histoire, dans le but d’éloigner les populations de leurs dirigeants ? Jamais, nulle part.
Enfin, Israël n’a pas l’intention d’administrer à nouveau Gaza, qu’il a quitté volontairement en 2005. Il doit donc penser au moyen terme, c’est-à-dire aux personnalités palestiniennes à qui transmettre la charge du territoire. Un tel transfert ne pourra pas se faire sur un tas de cendres.
